Jusqu’au 9 janvier 2011, deux expositions se tiennent à la mezzanine du Quai Branly : Lapita, ancêtres océaniens et Dans le blanc des yeux, masques primitifs du Népal.
Lapita présente des céramiques à décors pointillés austronésiennes, datant de 1250 environ avant Jésus-Christ. On peut suivre leur évolution jusque 600 avant Jésus-Christ. Une grande partie des céramiques provient des fouilles du cimetière de Téouma sur l’île d’Efate (Vanuatu). La particularité de ces céramiques est leur décoration en pointillés. Plusieurs types de décors ont ainsi pu être identifiés. L’exposition, après une présentation de la culture Lapita, se focalise sur ces décors. Des tessons et quelques pots entiers sont rassemblés derrière une ligne de vitrines. Les décors sont repris sur les panneaux encadrant ces dernières, sorte de rappel graphique grossissant. Cette partie de l’exposition est plutôt bien faite et bien agencée. On regrettera seulement le manque d’informations que l’on ressent en la parcourant. Si le début tente de donner une vue d’ensemble de cette civilisation, les informations suivantes sont cependant peu nombreuses; malgré tout, grâce aux fouilles les archéologues ont pu développer leurs connaissances. Ainsi, plutôt que d’être survolés, certains détails auraient pu être renforcés; il aurait par exemple été intéressant d’en savoir un peu plus sur l’argile employée pour réaliser les poteries, l’endroit où cette dernière était prélevée, les techniques de façonnage, les outils utilisés pour les décorations… entre autres.
Il en est de même concernant Dans le blanc des yeux. Les masques exposés sont magnifiques. Malheureusement, il n’y a quasiment aucune information apportée sur les peuples qui les ont créés. Bien entendu ces masques proviennent de la collection particulière de Marc Petit, qui en a fait don au musée… il sera sans aucun doute plus difficile d’avoir des renseignements dessus. Malgré tout, les masques font partie d’un contexte, et, à ce seul titre, il aurait été bon d’avoir une présentation quelque peu exhaustive des populations dont ils sont issus. De même, notre connaissance des masques est maintenant assez vaste, l’exposition aurait donc pu nous présenter quelques théories sur leur rôle et destination un peu plus poussées que les deux ou trois lignes que l’on peut y trouver. Ne serait-ce qu’une généralité tirée de la Voie des Masques de Levi-Strauss aurait été plaisante. Et une mise en relation avec le monde d’où ils proviennent n’aurait pas été de trop.
Si ces expositions valent sans conteste le coup d’œil, puisque les objets sont magnifiques et qu’il serait dommage de les manquer, on en ressort cependant légèrement déçu, avec l’étrange sensation de ne pas avoir appris grand-chose…

® Musée du Quai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris
Mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h
Jeudi, vendredi et samedi de 11h à21h

 

 

Le Quai Branly et le Baba Bling

Depuis le 5 octobre, le Quai Branly propose l’exposition Baba Bling, signes intérieurs de richesse à Singapour. Cette exposition est centrée sur les Peranakan, une communauté installée à Malacca et à Singapour, dont le négoce était l’activité principale. La plupart sont issus de Chinois venus s’installer et mariés à des Malaisiennes. Cette communauté est au carrefour des influences chinoises, malaisiennes et européennes. Le Quai Branly a décidé de nous les faire découvrir en nous faisant pénétrer dans l’une de leurs maisons. Ces dernières étaient étirées en longueur, à l’image des maisons hollandaises, avec une façade plus longue que large.

Le parcours de l’exposition suit grossièrement le plan d’une de ces maisons. Le visiteur va de pièce en pièce, découvrant petit à petit la vie quotidienne des Peranakan.

On passe d’abord par la porte, soigneusement décorée, qui ouvre sur le hall d’accueil, l’endroit où tous les invités sont reçus. Dans les vitrines sont déclinés les objets que l’on peut y rencontrer, tels l’autel aux ancêtres, les bancs, les tables, la boîte à sikeh, le paravent qui sépare du reste de l’habitat… Les panneaux explicatifs sont bien détaillés et apprennent l’essentiel sur les éléments rencontrés.

L’exploration de la maison est véritablement une plongée dans le monde baba : après l’entrée destinée aux réceptions, le visiteur pénètre l’intimité de l’hôte. En effet, seuls les proches ont accès au reste de la maison. On y découvre le hall des cendres, pièce très importante où sont célébrés plusieurs fois dans l’année les ancêtres de la maison ; de nombreuses offrandes leur sont destinées, dont des bâtonnets d’encens qui produisent les cendres donnant son nom à la pièce.

Ensuite nous est présentée la cuisine. La porcelaine rose aux couleurs acidulées porteuse du phénix et de pivoines s’étale sous le verre, disposée comme sur les longues tables des Peranakan. Puis vient le cœur de la cuisine, avec les différents mortiers, les pilons, les moules, le wok, les éventails, le tingkat… Le tingkat est un élément très prisé : il s’agit d’un empilement de boîtes métalliques autrefois utilisées par les Indiens pour transporter leur déjeuner.

Après ce petit tour dans la cuisine, le visiteur découvre la chambre nuptiale, avec son lit lourdement décoré de tissus brodés et d’éléments perlés, porte-bonheur du futur couple. Le lit est l’élément le plus important de la chambre.

Autour de cette pièce, plusieurs vitrines donnent à voir les parures qu’arborent les mariés durant la cérémonie.

Une collection de bijoux a aussi été rassemblée, montrant notamment la kerosang, ensemble de trois broches qu’affectionnent les Nyonya (maîtresses de maison) pour fermer leurs chemises.

Les murs de l’exposition sont aménagés de façon à avoir l’impression de déambuler de pièce en pièce. A un moment, le visiteur marche le long des façades de maisons peranakan… Les façades sculptées et colorées apportent de la gaieté aux rues, à l’image de la vaisselle d’apparat acidulée sortie pour les fêtes.

Cette exposition est originale, bien agencée et bien réalisée, présentant pour la première fois en Europe des objets prêtés par le Musée des Arts et Civilisations Asiatiques de Singapour.

 

Le Salon International du Patrimoine Culturel au Carrousel du Louvre, du 4 au 7 novembre 2010

Le Salon International du Patrimoine Culturel s’ouvre demain au Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, à Paris (75001). Jusqu’au 6 novembre, les horaires d’ouverture sont de 10 à 19h et le dimanche 7 novembre, de 10 à 18h. L’entrée est de 11 euros, le tarif réduit (pour les étudiants et les groupes de dix personnes et plus) de 5 euros. Les billetteries sont à l’entrée du Salon.
La culture et le patrimoine s’y étalent sous tous leurs aspects, autant sous forme d’associations visant à promouvoir la culture de terroirs que de grands organismes proposant des découvertes et des séjours culturels. De nombreux métiers d’artisanat sont également présents, des stands montrant le travail de la pierre, du verre, de la ferronnerie, de la céramique, mais aussi des entreprises de restauration, d’assainissement, de paysagisme, et bien d’autres. En outre, des artisans en plein ouvrage parsèment le salon. Il est plaisant de s’arrêter et de les regarder travailler. Il suffit de leur poser une question pour obtenir leur attention et en apprendre plus sur le patrimoine artisanal.
La presse n’est pas en reste : de nombreuses éditions, telles Actes Sud, Citadelles et Mazenod, Arts Magazines, entres autres, y sont représentées.
Pour cette XVIème édition, c’est le patrimoine méditerranéen qui est à l’honneur.
Un salon intéressant avant tout pour les professionnels de la culture et pour ceux qui aiment le patrimoine, l’artisanat, qui voudraient en savoir plus sur ces sujets et qui ne sont pas au prix de l’entrée près.

La Pinacothèque se penche sur les civilisations préhispaniques

Depuis le 10 septembre et jusqu’au 6 février 2011, il est possible de découvrir l’Or des Incas, Origines et mystères, à la Pinacothèque de Paris 28, place de la Madeleine.

L’exposition est une petite merveille, tant au niveau de l’organisation que du contenu. Les objets présentés viennent de différents musées péruviens, notamment les célèbres musée Larco et le musée national d’archéologie, d’anthropologie et d’histoire du Pérou situé à Lima (et où se trouvent les plus beaux témoignages des civilisations préhispaniques, telle la stèle Raimondi). La présentation est intelligemment faite et couvre quasiment toutes les cultures andines. Les panneaux sont à la fois concis et précis, apportant les informations essentielles sans redondances ni complications. Nulle théorie fumeuse n’est exposée, juste les faits. Scientifiquement parlant, c’est parfait.

Lorsque cela est possible, les œuvres sont présentées de manière ludique : en effet, dans certaines vitrines, on peut voir un objet métallique avec des décorations et derrière lui une matrice. Plutôt que de longs discours, la Pinacothèque a choisi de montrer et de donner à visualiser. Le visiteur s’arrêtera cinq minutes et imaginera parfaitement l’artisan travailler son métal, ce qui est une manière à la fois amusante et didactique de découvrir et d’apprendre les techniques. Ainsi, la Pinacothèque ne s’intéresse pas seulement à l’esthétisme mais aussi aux procédés de création, tentant de couvrir de la sorte tous les pans de l’anthropologie. Car savoir comment est réalisé un objet est aussi essentiel que de savoir dans quel but il a été façonné.

Toute l’exposition a été conçue sur le même modèle : les civilisations sont soigneusement présentées, se suivent, s’entremêlent; les objets sont beaux, de l’argile commune à l’or plus rare. Au travers des deux cent soixante-treize œuvres, la Pinacothèque résume plus de dix siècles d’histoire. Le visiteur peut se prendre pour un archéologue…

Une exposition magistrale à ne pas manquer, qui éclaire intelligemment les civilisations pré-Inca et l’Empire Inca lui-même.

Pinacothèque brève

A partir du 10 septembre 2010 et jusqu’au 6 février 2011, la Pinacothèque de Paris, située au 28 place de la Madeleine, présentera l’exposition L’Or des Incas. Deux cent cinquante trois œuvres d’or et d’argent illustreront ce thème, tentant de décrypter cette brillante civilisation à travers des objets issus des plus prestigieux musées péruviens. Représentations du pouvoir, funéraire et social seront autant de sujets abordés dans l’exposition.

La Pinacothèque expose les oeuvres « cachées » de Munch

L’exposition Edvard Munch ou l’Anti-Cri, qui a débuté le 19 février à la Pinacothèque de Paris, présente des œuvres peu connues de cet artiste. Elles viennent toutes de collections privées du monde entier et n’ont donc été admirées que par un cercle restreint. Pour la première fois, ces œuvres sont présentées au public. Le visiteur peut suivre l’évolution du peintre, non seulement à travers ses peintures, mais aussi à travers ses gravures sur bois et quelques lithographies. Le parcours est plutôt bien réalisé, les explications sont précises et claires, bien visibles, et les œuvres sont exposées de manière à rendre la déambulation agréable.
On pourrait reprocher à la Pinacothèque d’avoir omis les commentaires sur la partie « Alpha et Omega ». Le visiteur, même s’il comprend l’histoire par les dessins, ne peut qu’imaginer et s’interroger sur ce que représentent réellement ces scènes. Pour un amateur qui ne connaît que peu de choses sur Munch, l’interrogation demeure. De même, à certains endroits, les titres des tableaux sont légèrement dissimulés, mais dans l’ensemble l’exposition est très bien faite. Il serait dommage de la manquer.
Le visiteur a jusqu’au 18 juillet 2010 pour découvrir ces œuvres « cachées » et pour en apprendre un peu plus sur un peintre aux aspects méconnus.

Sexe, mort et sacrifice dans la religion Mochica

Sexe, mort et sacrifice dans la religion Mochica : le quai Branly frappe encore une fois avec un titre racoleur et un affligeant vide substantiel. Le premier terme lui-même est imprimé deux fois plus gros que les autres pour mieux attirer la foule…
Les pièces présentées viennent du Pérou et sont de belle facture. En bon état, les  scènes y figurant demeurent tout à fait visibles. Si les objets sont à la fois beaux et intéressants, il n’en est pas de même des panneaux explicatifs. En effet, plutôt que de choisir un fil directeur généraliste qui donnerait un bon aperçu de cette civilisation, le quai a préféré demander à un professeur de l’université du Texas ses interprétations personnelles. Pourquoi s’intéresser à une vision personnelle alors qu’il y a tant à apprendre sur les Mochicas? Et pourquoi se concentrer sur des vases « à connotation sexuelle » alors que tant d’autres auraient pu être mis à notre disposition? Même si beaucoup d’aspects nous sont encore obscurs, les archéologues en connaissent assez pour monter une exposition attrayante et intelligente.
Les commentaires d’un seul homme ne fournissent aucun éclairage scientifique sur les artefacts présentés. Certaines « explications » sont tellement tirées par les cheveux que le visiteur ne peut éprouver qu’une sorte de malaise à les lire. Les scènes sont parfois si peu explicites, si hors contexte, et surtout l’idéologie même dans lesquelles elles ont pris naissance est si loin de notre propre perception du monde qu’il est dérisoire de tenter d’imposer le  regard de notre société sur ces dernières… Les commentaires sont très rarement approfondis et les détails manquent cruellement. Lorsque l’on nous dit qu’un personnage est représenté avec les insignes des seigneurs mochica, on aimerait bien avoir une idée de ce que sont ces dits insignes… Il en est de ces détails comme de la provenance des objets : aucune indication n’est donnée dans les vitrines. Pour la connaître, il faut consulter le catalogue à la fin de l’exposition.
Le visiteur ressort avec une désagréable sensation de vacuité et l’impression qu’il s’est plus agi d’un jeu qu’autre chose, consistant à jeter pêle-mêle sur le papier ce que les images inspiraient…
Les céramiques sont finalement le seul intérêt de cette exposition. Il est à souligner que le quai à fait un effort plutôt satisfaisant quant à la disposition des vitrines et à la présentation des objets : ils sont soigneusement mis en valeur, il est possible de les voir sous différents angles, et l’idée de reporter certaines scènes sur les murs était assez originale. Malheureusement, le reste ne suit pas.

Teotihuacán, quand la cité des dieux s’installe au Quai Branly

L’exposition Teotihuacán du Quai Branly est une réussite. Le Quai est enfin parvenu à créer une exposition à la fois originale et de qualité. Originale, car dans la salle principale s’étale en modèle réduit la reproduction du site ; le visiteur peut se promener autour, admirant les petites masses pyramidales tout en découvrant leur signification. Ludique, avec les nombreuses vidéos et les « jeux » interactifs qui sont proposés (les jeux sont surtout pour les enfants mais les adultes peuvent s’y coller). Intéressante, car les explications sont soignées, soigneuses, et certaines que l’on aurait pu laisser de côté n’ont pas été omises (tel le procédé de réalisation des peintures murales ou encore l’explication du talud-tablero). Il y a d’ailleurs parfois trop de texte et les numéros ne sont pas toujours mis du bon côté, mais dans l’ensemble cette exposition est sans conteste l’une des plus réussies du Quai.
Tout autour de la reproduction du site, le long des murs ou surélevés sur des blocs de même matière que nos pyramides, sont présentés les objets. La grande majorité vient du Musée National d’Anthropologie de Mexico. De véritables chefs-d’œuvre sont exposés, comme le masque en mosaïque, célébré dans nombre d’ouvrages, ou encore la poterie thin orange et les fameux encensoirs, illustrés par de nombreuses céramiques, et le pato loco (canard fou, récipient en forme de canard décoré de coquillages et de jade). Le visiteur ne peut que s’émouvoir de les avoir enfin sous ses yeux.
L’exposition est divisée en six thèmes, le modèle réduit créant comme un trait d’union entre eux. La première partie présente l’architecture et l’urbanisme, avec des morceaux de pierre, des têtes de Quetzalcoatl issues de la pyramide du même nom, et le modèle de la cité ; la deuxième tente de définir le système social et les relations entre les « différents statuts », militaire, politique et économique. Ensuite nous passons à la religion, de très belles statues de pierre présentant les dieux, comme Huehueteotl, le vieux dieu du feu. Des explications sont proposées, même si de nombreux blancs demeurent quant aux mythes et à certaines divinités. Les pièces sont vraiment magnifiques et soigneusement mises en avant.
Puis c’est la vie quotidienne, que ce soit dans les palais ou les habitations communes, qui est évoquée. De nombreux ustensiles s’échelonnent dans les vitrines, donnant à imaginer la vie des artisans, des marchands, des agriculteurs…
Les trois derniers thèmes sont plus relatifs à l’influence de Teotihuacán sur le reste du monde mésoaméricain : splendeur de l’artisanat, qui est un moyen comme un autre d’étendre son influence et d’exporter ses croyances ; les relations de Teotihuacán avec le monde mésoaméricain et enfin la chute de Teotihuacán, qui, comme celle des Maya, est toujours sujette à controverses.
Teotihuacán, cité des dieux, se tient au Quai Branly jusqu’au 24 janvier 2010. Elle vaut vraiment le coup d’œil, ne serait-ce que pour être accueilli par le mythe du Cinquième Soleil qui ouvre l’exposition…

La Fondation Cartier met en scène le graffiti

La dernière exposition en date de la fondation Cartier, Né dans la rue – Graffiti, est une véritable réussite. Elle offre à la fois un bon historique et une mise en vue originale et amusante des graffiti. Un parcours divertissant et varié s’offre au visiteur.

Celui-ci a le choix : les murs de la salle du bas s’ornent de « noms » ; différentes calligraphies sont présentées de manière chronologique et imagée, chaque calligraphie étant renvoyée à son créateur et à ceux qui les ont employées ; des bombes et des marqueurs ainsi que des black books illustrent le graffiti pas à pas. Art dans l’art, les bombes sont sous verre et leur ombre sur le sol, à travers la vitrine, forme comme une fleur. Accompagnant ces objets, quelques vidéos sont projetées horizontalement et, un peu plus loin, d’autres le sont sur les murs, illustrant la vie de ces artistes de rue. Des interviews, avec casques pour ceux qui voudraient les écouter, sont également proposées. Le visiteur flâne, sélectionnant les informations qu’il désire et s’arrêtant où il le veut. 

La salle du haut réunit quelques graffiti sur des panneaux dispersés. Les vitres de la fondation ouvrent sur le jardin, procurant une sensation d’espace et de liberté. Le visiteur se promène entre les œuvres comme il se baladerait dans une forêt. Un encart explicatif donne une courte biographie de chacun des auteurs.

L’intérêt de cette exposition est la présentation du graffiti à travers divers médias. En cela elle se révèle particulièrement interactive, comme le graffiti l’est pour ses adeptes. Face à l’affluence des médias présents, le visiteur ne sait parfois plus où donner de la tête, mais il y en a pour tous les goûts. Que l’on préfère le visuel statique (graffiti, black books, dessins, matériel) ou le visuel animé (vidéos, clips), l’on se trouve satisfait. D’ailleurs, avant d’entrer dans l’exposition ou en en sortant, le visiteur peut admirer des graffeurs s’adonnant à leur passion sur un mur disposé à cet effet. La façade de la fondation, à travers ces planches, se couvre de divers tags, certains particulièrement attrayants. C’est sans doute l’intégration la plus vivante et la plus réaliste du graffiti dans l’exposition, puisque le visiteur regarde une œuvre en création et peut en suivre chaque étape, tout en se mêlant aux odeurs qui émanent des bombes…

→ Jusqu’au 29 novembre 2009 à la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, 261 bd Raspail 75014 Paris.

 

 

Tarzan est arrivé au quai Branly

Tarzan débarque au quai Branly! Et, il faut bien le dire, ce n’est pas une réussite.
Le quai prétend vouloir établir un dialogue entre les cultures. Bien présentée, l’exposition aurait pu en effet en être le prétexte. Le problème, c’est que jamais le dialogue ne s’établit. Seule une œuvre nous est ici présentée, une œuvre et un auteur. Des planches de BD par milliers, des figurines, des jouets, des animaux empaillés, et même des publicités pour de grandes marques (n’oublions pas, nous sommes dans un musée d’anthropologie!)… On s’attendait à un peu plus de présence africaine. En voyant ces animaux et ce sujet, on se demande si le musée hésite entre se déguiser en muséum d’histoire naturelle ou se transformer en festival de la BD.
Le titre de l’exposition n’est-il pas « Tarzan, Rousseau chez les Waziri »? N’aurait-il donc pas été bon de consacrer un panneau à Rousseau, puisqu’on lui fait l’affront de le citer? N’aurait-il pas été intéressant de développer le concept du « bon sauvage » et d’expliquer ce qu’il cache? Rousseau aurait mérité un peu plus qu’être un prétexte pour attirer du monde, un monde qui sera bien déçu de ne pas l’y voir. Et même si le but de l’exposition n’est pas de discuter de Rousseau ni du concept du bon sauvage, il est néanmoins de mettre en relation des cultures, « de faire dialoguer les cultures » comme se plaît à le répéter le président du musée. Malheureusement aucune mise en relation n’est faite. L’Afrique apparaît toujours à travers un regard, celui de l’Occident. Et s’il s’agissait de souligner les présupposés que les gens avaient à son égard et qui sont toujours véhiculés par Tarzan, alors le quai ne répond pas à cette problématique. Il se contente de jouer avec l’imagerie populaire, en présentant l’œuvre de Burroughs, d’autres œuvres du même genre de la même époque, et tout ce qui pouvait s’y rattacher. On ne voit pas toujours les raisons de figurer de certains objets, si ce n’est une manipulation des idées pour les introduire et faire du remplissage. Quelle est la  raison de la présence, par exemple, du livre L’art de nager le crawl? Si ce n’est que l’un des acteurs interprétant Tarzan fut champion de natation? N’est-ce pas un prétexte pour présenter un ouvrage qui n’a rien à faire dans cette exposition? Ne se trouve-t-on pas un peu loin de l’Afrique et du dialogue qui devait s’établir avec elle?
L’Afrique n’occupe d’ailleurs qu’une toute petite partie de l’exposition. Quelques tuniques, lances, javelots, boucliers, sans réellement d’explications. Quelques statuettes Aniotas, qui seraient l’apanage de sociétés secrètes très redoutées. Nous voici face à un fait de société intéressant. Seul un panneau explicatif lui est consacré. On glisse dessus et aussitôt on repart dans le mythe tarzanique, comme s’il n’y avait pas grand-chose à dire de plus sur les sociétés africaines.
L’Afrique est aussi évoquée par deux costumes d’Africain du film Astérix aux jeux Olympiques : n’existe-t-il pas de véritables « costumes » africains qui pourraient être présentés au public afin de «faire dialoguer les cultures »? Comment peuvent-elles dialoguer lorsque l’on reste coincé dans l’imagerie populaire? S’il est intéressant de présenter cette dernière, il faut aussi lui faire affronter la réalité, la confronter, expliquer enfin. Mais ici il n’y a pas d’explications, que des présentations, que des mises « en oeil ».
Après l’Afrique, Tarzan a rencontré nombre d’autres civilisations : Tarzan a été chez les Romains, chez les Vikings, etc. A part des planches de BD et un ou deux tableaux classiques, aucune explication non plus sur ces cultures, toujours pas de mise en relation, ni de confrontation, ni de perspective. La question ne cesse de s’imposer à l’esprit : où est le dialogue des cultures cher au président du musée? Quel est donc le but de cette exposition, faire plaisir à son commissaire?
Stéphane Martin, le président du musée, explique : « A l’heure de la mondialisation, en ouvrant les portes du musée à Tarzan, nous donnons à chaque visiteur l’occasion de réfléchir sur tout ce matériau culturel et intellectuel qu’il porte en lui ». Vraiment? N’est-il pas possible de réfléchir à ces concepts avec des sources un peu plus ethnologiques que Tarzan?
Et d’ajouter : « Un grand musée moderne comme le nôtre n’est pas là pour donner une leçon magistrale ni renforcer des certitudes en montrant ce qu’on peut voir ailleurs ». Le musée ferait peut-être justement bien de regarder un peu ce qui se fait ailleurs et d’en tirer leçon. Il pourrait s’inspirer, par exemple, du musée Dapper qui réalise de merveilleuses expositions sur des thèmes toujours bien présentés et qui savent aussi se faire originaux. Avec cette exposition, le quai ne défait pas les idées obscures et naïves de la culture populaire, comme il les dénomme, il ne fait que les montrer et ne les discute pas.
Le président s’entête à répéter que « [l]a grande question du quai Branly, c’est le dialogue avec les cultures. On interagit constamment avec le visiteur, ses goûts, ses présupposés ». Mais où est le dialogue? Il ne s’agit pas ici d’un dialogue, puisque l’Afrique n’a pas son mot à dire, mais bien plus d’un monologue égocentrique. L’Occident joue avec ses images populaires sans se demander ce qu’il peut y avoir derrière les apparences. Les présupposés du visiteur ne sont aucunement questionnés, ils sont plutôt vaguement montrés ou, pire, renforcés. Nous avons bien compris que Burroughs était plus intéressé par se construire son Afrique personnelle plutôt que de décrire la réalité. En quoi est-ce une problématique ethnologique? Surtout, n’est-ce pas prétentieux de se pencher sur une problématique aussi égocentrée en prétextant faire dialoguer les cultures? Le quai veut faire croire qu’il s’ouvre mais il ne fait que se limiter à un point de vue, encore une fois, très blanc et très occidental. Lorsque la culture de masse aura étouffé toutes les autres cultures, le quai oubliera donc ce sur quoi il s’est construit? Les expositions d’avenir ne sont-elles que musique, BD, figurines plastique de collections privées? Est-il si impossible que cela de créer une exposition sur un sujet moins connu et de le rendre attrayant au grand public? Faut-il automatiquement en passer par Tarzan pour faire venir la foule au quai Branly?
A part deux ou trois lignes qui paraissent effectivement faire surgir les « présupposés », mais qui hélas s’arrêtent bien vite et jamais ne les discutent, le but véritable de l’exposition est bien oublié.
L’exposition Tarzan, dans le cadre d’une présentation du comic du même nom, est bien réalisée et aurait tout à fait sa place à un festival de BD comme celui d’Angoulême. Mais elle ne l’a pas au quai, ni dans le cadre d’un « dialogue des cultures » ni dans celui d’un musée axé sur l’ethnologie et les civilisations premières.
Ce choix de sujet est bien regrettable car le musée du quai Branly demeure un musée intéressant.

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