Enfants précoces, enfants hors norme…

Qu’est-ce qu’un enfant Hors Norme? Souvent appelés enfants précoces, ces enfants ont une approche du monde différente de la nôtre et de celle de leurs camarades. Cette « autre » vision du monde induit des réactions différentes de celles des autres enfants, qui passent souvent pour de l’insolence et peuvent sembler perturbées et perturbantes. En fait, ces enfants sont incompris et souffrent de cette incompréhension. D’une sensibilité exacerbée, ils sont très sensibles au stress et à la pression, ce qui provoque parfois des troubles de la personnalité et du comportement dans certains contextes quotidiens.
Voilà pourquoi le Dr Valérie Foussier, elle-même maman de trois enfants HN, comme elle les désigne, a rédigé ce livre. Bourré de conseils, il est d’une écriture simple, autant accessible aux enfants qu’aux parents non-spécialistes de la question. Soigneusement découpé, la lecture est facilitée par la mise en page. Les conseils sont donnés ou répétés dans de petits cadres qui se détachent de la page, les rendant plus faciles à retrouver en cas de recherche rapide. Toutes les propositions présentes dans ce livre peuvent également améliorer la vie quotidienne des parents d’enfants « normaux » et de toute personne cherchant un équilibre. En effet, en plus des recommandations particulières pour les enfants HN et leurs parents, figurent de nombreux conseils généraux, permettant de faciliter la vie de tout un chacun, ainsi que quelques conseils adressés aux médecins et aux professeurs. De nombreux témoignages sont également apportés, renforçant le discours.
Ce livre, à la fois sérieux et amusant, se lit facilement. Agréable, il s’ouvre et se referme à n’importe quel moment de la journée. Bien que traitant d’un sujet médical, il reste abordable par tout non spécialiste et, comme mentionné ci-dessus, il peut également être lu par les enfants. En outre, la présence de contes et de poèmes rend ce livre ludique et apporte une touche de légèreté et de poésie non négligeable.
On en ressort avec de la volonté pour aller jusqu’au bout de soi-même et de ses rêves, et l’on comprend que rien n’est inaccessible, que l’on soit HN, parent de HN ou « normal »… Car, en effet, comme le dit l’auteur : « Chacun peut faire partie des courageux qui choisissent de vivre leur vie plutôt que de la gagner et surtout de la subir ».
Enfants précoces, enfants hors norme?, du Dr Valérie Foussier, est disponible aux éditions J.Lyon.

Un peu « d’autre » culture…

Pour ceux qui s’intéressent, de près ou de loin, à la culture japonaise, il existe un petit livre très bien fait aux éditions Soleil Manga, Parler Japonais . Il présente, en 150 pages environ, plusieurs faits culturels, agrémentés de dessins, de photographies, de petits bricolages et de recettes. Les phrases et les mots y figurent à la fois en japonais et en français et, pour un meilleur apprentissage, de nombreuses phrases bénéficient de la « diction » (le mot est écrit en caractères latins et donne une idée de la prononciation). Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une véritable méthode d’apprentissage, ce livre donne quelques aperçus de la langue. Il s’agit surtout d’un livre amusant pour présenter, à la manière « manga », la culture japonaise et ses traits les plus importants. Un livre plaisir, somme toute.

Tarzan est arrivé au quai Branly

Tarzan débarque au quai Branly! Et, il faut bien le dire, ce n’est pas une réussite.
Le quai prétend vouloir établir un dialogue entre les cultures. Bien présentée, l’exposition aurait pu en effet en être le prétexte. Le problème, c’est que jamais le dialogue ne s’établit. Seule une œuvre nous est ici présentée, une œuvre et un auteur. Des planches de BD par milliers, des figurines, des jouets, des animaux empaillés, et même des publicités pour de grandes marques (n’oublions pas, nous sommes dans un musée d’anthropologie!)… On s’attendait à un peu plus de présence africaine. En voyant ces animaux et ce sujet, on se demande si le musée hésite entre se déguiser en muséum d’histoire naturelle ou se transformer en festival de la BD.
Le titre de l’exposition n’est-il pas « Tarzan, Rousseau chez les Waziri »? N’aurait-il donc pas été bon de consacrer un panneau à Rousseau, puisqu’on lui fait l’affront de le citer? N’aurait-il pas été intéressant de développer le concept du « bon sauvage » et d’expliquer ce qu’il cache? Rousseau aurait mérité un peu plus qu’être un prétexte pour attirer du monde, un monde qui sera bien déçu de ne pas l’y voir. Et même si le but de l’exposition n’est pas de discuter de Rousseau ni du concept du bon sauvage, il est néanmoins de mettre en relation des cultures, « de faire dialoguer les cultures » comme se plaît à le répéter le président du musée. Malheureusement aucune mise en relation n’est faite. L’Afrique apparaît toujours à travers un regard, celui de l’Occident. Et s’il s’agissait de souligner les présupposés que les gens avaient à son égard et qui sont toujours véhiculés par Tarzan, alors le quai ne répond pas à cette problématique. Il se contente de jouer avec l’imagerie populaire, en présentant l’œuvre de Burroughs, d’autres œuvres du même genre de la même époque, et tout ce qui pouvait s’y rattacher. On ne voit pas toujours les raisons de figurer de certains objets, si ce n’est une manipulation des idées pour les introduire et faire du remplissage. Quelle est la  raison de la présence, par exemple, du livre L’art de nager le crawl? Si ce n’est que l’un des acteurs interprétant Tarzan fut champion de natation? N’est-ce pas un prétexte pour présenter un ouvrage qui n’a rien à faire dans cette exposition? Ne se trouve-t-on pas un peu loin de l’Afrique et du dialogue qui devait s’établir avec elle?
L’Afrique n’occupe d’ailleurs qu’une toute petite partie de l’exposition. Quelques tuniques, lances, javelots, boucliers, sans réellement d’explications. Quelques statuettes Aniotas, qui seraient l’apanage de sociétés secrètes très redoutées. Nous voici face à un fait de société intéressant. Seul un panneau explicatif lui est consacré. On glisse dessus et aussitôt on repart dans le mythe tarzanique, comme s’il n’y avait pas grand-chose à dire de plus sur les sociétés africaines.
L’Afrique est aussi évoquée par deux costumes d’Africain du film Astérix aux jeux Olympiques : n’existe-t-il pas de véritables « costumes » africains qui pourraient être présentés au public afin de «faire dialoguer les cultures »? Comment peuvent-elles dialoguer lorsque l’on reste coincé dans l’imagerie populaire? S’il est intéressant de présenter cette dernière, il faut aussi lui faire affronter la réalité, la confronter, expliquer enfin. Mais ici il n’y a pas d’explications, que des présentations, que des mises « en oeil ».
Après l’Afrique, Tarzan a rencontré nombre d’autres civilisations : Tarzan a été chez les Romains, chez les Vikings, etc. A part des planches de BD et un ou deux tableaux classiques, aucune explication non plus sur ces cultures, toujours pas de mise en relation, ni de confrontation, ni de perspective. La question ne cesse de s’imposer à l’esprit : où est le dialogue des cultures cher au président du musée? Quel est donc le but de cette exposition, faire plaisir à son commissaire?
Stéphane Martin, le président du musée, explique : « A l’heure de la mondialisation, en ouvrant les portes du musée à Tarzan, nous donnons à chaque visiteur l’occasion de réfléchir sur tout ce matériau culturel et intellectuel qu’il porte en lui ». Vraiment? N’est-il pas possible de réfléchir à ces concepts avec des sources un peu plus ethnologiques que Tarzan?
Et d’ajouter : « Un grand musée moderne comme le nôtre n’est pas là pour donner une leçon magistrale ni renforcer des certitudes en montrant ce qu’on peut voir ailleurs ». Le musée ferait peut-être justement bien de regarder un peu ce qui se fait ailleurs et d’en tirer leçon. Il pourrait s’inspirer, par exemple, du musée Dapper qui réalise de merveilleuses expositions sur des thèmes toujours bien présentés et qui savent aussi se faire originaux. Avec cette exposition, le quai ne défait pas les idées obscures et naïves de la culture populaire, comme il les dénomme, il ne fait que les montrer et ne les discute pas.
Le président s’entête à répéter que « [l]a grande question du quai Branly, c’est le dialogue avec les cultures. On interagit constamment avec le visiteur, ses goûts, ses présupposés ». Mais où est le dialogue? Il ne s’agit pas ici d’un dialogue, puisque l’Afrique n’a pas son mot à dire, mais bien plus d’un monologue égocentrique. L’Occident joue avec ses images populaires sans se demander ce qu’il peut y avoir derrière les apparences. Les présupposés du visiteur ne sont aucunement questionnés, ils sont plutôt vaguement montrés ou, pire, renforcés. Nous avons bien compris que Burroughs était plus intéressé par se construire son Afrique personnelle plutôt que de décrire la réalité. En quoi est-ce une problématique ethnologique? Surtout, n’est-ce pas prétentieux de se pencher sur une problématique aussi égocentrée en prétextant faire dialoguer les cultures? Le quai veut faire croire qu’il s’ouvre mais il ne fait que se limiter à un point de vue, encore une fois, très blanc et très occidental. Lorsque la culture de masse aura étouffé toutes les autres cultures, le quai oubliera donc ce sur quoi il s’est construit? Les expositions d’avenir ne sont-elles que musique, BD, figurines plastique de collections privées? Est-il si impossible que cela de créer une exposition sur un sujet moins connu et de le rendre attrayant au grand public? Faut-il automatiquement en passer par Tarzan pour faire venir la foule au quai Branly?
A part deux ou trois lignes qui paraissent effectivement faire surgir les « présupposés », mais qui hélas s’arrêtent bien vite et jamais ne les discutent, le but véritable de l’exposition est bien oublié.
L’exposition Tarzan, dans le cadre d’une présentation du comic du même nom, est bien réalisée et aurait tout à fait sa place à un festival de BD comme celui d’Angoulême. Mais elle ne l’a pas au quai, ni dans le cadre d’un « dialogue des cultures » ni dans celui d’un musée axé sur l’ethnologie et les civilisations premières.
Ce choix de sujet est bien regrettable car le musée du quai Branly demeure un musée intéressant.

Dernières Révélations…

Révélations… comme son nom l’indique, ce quatrième tome est le dernier de la série des Twilight. Il clôt les aventures de Bella et de son cher Edward.
Comme on pouvait s’y attendre, Bella se marie et consomme avec joie son mariage.
Bella veut toujours devenir vampire mais elle désire brusquement savourer un peu plus longuement sa condition d’humaine. Bella est semblable à elle-même, chacun de ses gestes est prévisible. Il y a néanmoins quelques bons passages, qui s’achèvent d’eux-mêmes puisque l’auteur est incapable de se dépasser, et sont donc décevants.
Le problème de cette fin, c’est que c’est le paradis : comme l’auteur devait considérer que la vie d’une femme ne peut être accomplie sans maternité, Bella a un enfant. Une petite fille mi-humaine mi-vampire, qui fait le lien entre tout ce beau monde. Bella devient ensuite vampire après avoir manqué mourir. Bella devient belle et rayonnante, elle a son amour à ses côtés, l’éternité devant elle, une enfant… elle parvient même à conserver l’amitié de son cher Jacob et les loups acceptent finalement les vampires. Que faut-il de plus pour que le paradis s’installe sur terre?
Evidemment, il faut agiter un peu le chaudron. Quelques ennuis mais tout est bien qui finit bien. Le lecteur qui se réjouissait à l’idée d’un peu d’action en sera pour ses frais : malgré la tension montante, seul passage amusant du livre, tout se finit bien. Pas une seule bagarre, à peine une goutte de sang versée, et surtout le message à retenir, que tout délateur, même si ses intentions étaient bonnes, finira puni.
Soit. On se lasse de cette morale bien pensante. Même les scènes qui auraient pu être amusantes ne le sont pas.
En somme, ce tome correspond tout à fait à ce que l’on pouvait en attendre. Nulle révélation en vue, puisque tout se produit comme n’importe quel lecteur avisé pouvait le prévoir. Toutes les ficelles sont exploitées. La morale est sauve, partout, tout le temps. Lorsque l’on tourne la dernière page, la seule sensation s’attardant est la suivante : tout cela pour ça? Quatre tomes pour cette fin? N’importe quel écrivaillon aurait pu finir ainsi sa série.
Il est vraiment regrettable qu’il faille quatre tomes pour raconter une pareille histoire. Bien entendu, le remplissage étant de l’argent, peu importe que les scènes décrites aient un quelconque intérêt.
Cette œuvre n’apporte rien de plus au lecteur et il peut se contenter d’en entendre parler. D’autres livres méritent plus son attention.

Du côté des pins galants…

Le 8 juin, il était possible d’assister en avant-première à la représentation des Pins Galants au théâtre Antoine (75010). Histoire d’un chagrin d’amour, d’une descente, de ce qui reste une fois que tout est perdu, et de la longue route à parcourir pour espérer remonter un peu…
Michel a bien du mal à se remettre de la disparition de sa femme. On comprend à demi-mots qu’elle l’a quitté et qu’il est effondré par cette séparation. Il se retrouve seul, errant, finissant dans un café de comptoir grouillant d’habitués éméchés.
Descente aux enfers, lorsque l’on boit pour oublier, que l’on oublie tout ce qui pourrait avoir encore un peu d’importance, lorsque l’on se retrouve à des kilomètres de chez soi, juste pour ne plus être chez soi.
Drôle aussi, car le personnage reste plein d’humour, il se moque de lui, de la vie, de son chagrin même, de ce rire jaune que l’on émet parfois à l’encontre de soi-même.
Comme un coup d’œil jeté sur un morceau d’existence, comme une phrase volée à une conversation, l’épisode intrigue et intéresse. Chacun peut se reconnaître, en tout ou en partie, dans la peine ressentie par Michel.
Jeux de mots, jeux littéraires, le monologue du personnage est une pure partie de plaisir, joliment interprété par Manuel Durand. Il est dommage qu’il n’y ait pas de programmation prévue pour le moment. Cet acteur reste à suivre…

Le Grand Palais joue avec les images…

Quand le Grand Palais joue avec les images… il crée une excellente exposition. Une image peut en cacher une autre est à la fois bien présentée, respectant le thème tout en s’ouvrant sur le monde, et intelligemment ludique. Ainsi, le visiteur se prend très vite à entrer dans le jeu, cherchant les images cachées, certaines quelque peu tirées par les cheveux, d’autres tout à fait évidentes mais pas toujours visibles au premier coup d’oeil… Les œuvres, qui courent du Moyen-Age avec des peintures sacrées au contemporain avec des artistes comme Dalí ou Brancusi, sont aussi diversifiées qu’intéressantes. La diversité est présente tout en restant dans les limites du thème : des œuvres d’autres civilisations, telle cette figurine olmèque par exemple, nous offrent un regard extérieur, nous montrant que le jeu est international. Les images se cachent aussi sur les masques, les poteries, de ces civilisations des arts premiers. Elles offrent une seconde lecture, nous rappelant la complexité du monde derrière sa façade de simplicité. Elles nous disent également qu’il faut toujours soulever les apparences pour découvrir ce qu’elles dissimulent.
C’est le jeu de la plupart des tableaux présents dans l’exposition : une première lecture, simple, qui donne à voir une scène. Puis, en se penchant d’un peu plus près sur la scène, se dévoilent peu à peu d’autres lignes, d’autres dessins dans le dessin. Certains traits sont évidents, d’autres sont plus laissés à l’imagination, comme ces visages qui apparaissent dans les contours des roches ou dans les nuages.
Bien qu’un peu longue, l’exposition n’est jamais ennuyante. Le visiteur se trouve pris au jeu. Il observe, s’interroge, cherche. Les œuvres sont soigneusement présentées, les pièces sont larges, aérées, il est agréable de s’y promener, et il y a toujours assez de place pour prendre un peu de recul. Le thème est parfaitement exploité, les œuvres présentées ne s’éloignent jamais du sujet tout en en étirant quelquefois les limites.
Cette exposition est à la fois classique et originale. Le Grand Palais réussit à présenter un condensé d’œuvres et d’artistes connus et moins connus tout en amusant le public. Pour une fois une exposition se montre ludique, dans le bon sens du terme. Pas d’éloignement du sujet, pas d’élargissement intempestif pour expliquer la présence de peintures ou de sculptures qui n’y auraient pas leur place. Certaines œuvres « naturelles », comme ces éclats de minéraux laissant apparaître des formes distinctives, pourraient sembler déplacées mais ne le sont pas du tout. Elles s’insèrent parfaitement dans l’exposition, le visiteur y arrivant ne s’étonnant pas de les voir brusquement surgir, leur introduction paraissant couler de source. Ainsi les images cachées ne se limitent pas aux créations humaines : la nature elle aussi sait jouer avec ses formes. Changement de perspective intéressant et parfaitement bien intercalé. Le thème est une fois de plus magnifiquement exploité et respecté.
Le Grand Palais a réalisé une superbe exposition qui peut être découverte jusqu’au 6 juillet. On espère une prolongation pour ceux qui l’auraient manquée…

La ferme des animaux, naissance et détournement d’une idéologie

La ferme des animaux est un roman de George Orwell, l’auteur de 1984, qui présente, dans cette œuvre, la naissance et la dépravation d’une pensée ainsi que de la société qu’elle entraîne.
Dans la ferme de M. Jones, le cochon Sage l’Ancien a rêvé la liberté pour les animaux. Il leur expose son idée, son rêve d’émancipation, une ferme où les animaux, tous égaux, travailleraient de concert pour s’assumer et subvenir à leurs besoins. Tous seraient égaux et partageraient le fruit de leur labeur. Le cochon édicte une liste de sept commandements qui deviennent les commandements de la révolte.
Sage l’Ancien meurt quelque temps après son discours, mais la graine est plantée. Les cochons Napoléon, Boule de Neige et Brille-Babil peaufinent la nouvelle pensée : l’Animalisme. Menés par Napoléon et Boule de Neige, les animaux se révoltent contre M. Jones et le chassent de la ferme. Les commandements sont écrits sur l’un des murs et une chanson révolutionnaire sert de ralliement et de cri de joie.
Les animaux reprennent la ferme à leur actif et travaillent dur. La production augmente, les animaux consomment le surplus, ils sont mieux nourris et profitent de leur labeur. Le travail physique les éreinte mais chacun participe en fonction de ses capacités physique. L’Animalisme semble avoir gagné, établissant une société de partage et d’entraide.
Malheureusement, comme toute bonne idée, celle de Sage l’Ancien est peu à peu pervertie. Les cochons prennent le pouvoir mais les animaux ont encore le droit de parole. Il y a débat chaque dimanche pour décider de ce qui sera fait et les autres animaux participent à la prise de décision. Le vote est roi. La liberté est sauve.
Les cochons, petit à petit, commencent à s’approprier des choses : c’est d’abord le lait qui, sous prétexte d’être indispensable à la survie des cochons, leur sera réservé ; ce sont ensuite les pommes, pour les mêmes raisons. Les cochons réfléchissent, planifient, et en tant que tête ne participent plus beaucoup à l’entretien de la ferme. Et Brille-Babil tire toujours une bonne explication de ses sabots pour justifier le pourquoi du comment.
Mais Boule de Neige et Napoléon, qui dirigent les réunions, ne s’entendent pas : ils s’opposent continuellement. Un beau jour, Napoléon parvient à chasser Boule de Neige. Et c’est le début de la fin de la belle société. Les animaux ne sont plus égaux, même s’ils continuent de croire le contraire. Alors que Sage l’Ancien voulait une société sans l’argent des hommes, Napoléon tord les premiers commandements et vend les productions de la ferme. Il réduit les portions des animaux. Chacun des commandements est bafoué, Brille-Babil étant le porte-parole des modifications, réécrivant ces derniers de nuit, rajoutant une suite qui justifie les actes de son chef. Des bruits, toujours contradictoires, sont lancés. Les rumeurs courent. Dès qu’une catastrophe se produit dans la ferme, c’est la faute de Boule de Neige, des traces de ses sabots sont même retrouvées aux alentours. Boule de Neige est un traître. L’histoire est réécrite : Boule de Neige, qui s’illustra grandement lors de la révolte des animaux, voit son rôle diminué, jusqu’au moment où il est changé en traître couard. Les animaux baissent la tête, acceptent, subissent, car ils ne veulent pas, bien entendu, que M. Jones revienne.
La ferme des animaux est un magnifique ouvrage, montrant la déviation d’une idée qui, au départ, aurait pu améliorer la condition des êtres. Orwell nous montre que dès qu’il y a un groupe, il y a des ambitions, des désirs et donc des exactions. Les premiers temps de la ferme des animaux réussissent, lorsque le souvenir de M. Jones est encore vivace, lorsque le discours de Sage l’Ancien est encore frais. Mais le temps passant, les cochons prennent le pouvoir, et lorsque le pouvoir entre en jeu, l’injustice, l’asservissement, les détournements également.
La manière dont la situation dévie peu à peu est remarquablement bien rendue. Le lecteur se met à la place des animaux, il comprend leurs réactions. Il peut s’insurger parfois, se demander pourquoi ils ne remettent jamais en cause ce qu’on leur dit, pourquoi ils ne se fient pas plus à leurs souvenirs qu’aux paroles de Brille-Babil ; malgré cela, le lecteur réalise la pression du groupe, il voit les changements qui ne manqueront pas de survenir, il sent que la dérive est proche… et il sait pourquoi les animaux ne réagissent pas. Ils sont tellement ancrés dans leur système, l’idée de départ leur apparaît toujours tellement belle et pure qu’ils ne voient pas les changements qui se font. La pression de la société est trop forte, elle les modèle, même s’ils n’en ont pas conscience. Ils sont clos dans leur monde et, sans regard extérieur, sans connaissance du monde extérieur, il ne peut y avoir de remise en question. D’ailleurs, ceux qui protestent sont peu à peu éliminés. Brille-Babil étouffe toute pensée différente dans l’œuf.
Les animaux sont dominés, acceptent leur situation sans se plaindre et fournissent aux cochons toutes leurs richesses. Et le système, dévoyé, trahit les siens :  lorsque l’animal devient inutile, il est supprimé. Les animaux sont arrivés loin du rêve de départ, de ce carré de terre où les animaux âgés prendraient leur retraite après avoir aidé à bâtir la ferme.
Lorsque le système trahit les siens, il n’y a pas de retour en arrière possible. Plus rien ne subsiste des idéaux primitifs. L’Animalisme n’existe plus. Les animaux ont créé une société pire que celle dans laquelle ils vivaient auparavant et, surtout, ils n’ont pas le courage de se révolter contre les leurs.

Les portes du ciel s’ouvrent au Louvre

Jusqu’au 29 juin (il reste donc quelques jours) le musée du Louvre ouvre les portes du ciel. Exposition temporaire assez vaste portant sur l’Egypte, elle donne autant à voir le monde de l’au-delà qu’un aperçu de l’arbre généalogique des divinités égyptiennes ou que les abords d’un temple. Pour les amateurs, l’exposition s’avère variée et intéressante, les pièces soigneusement mises en valeur et de belle facture. Les explications sont parfois un peu embrouillées, généralement un peu trop répétées et manquent quelquefois de profondeur, ne survolant que la surface des faits. Il aurait été intéressant, par exemple, et puisque tel était le sujet, de creuser un peu plus les différentes épreuves que le défunt a à affronter dans l’autre monde. Cette partie centrale aurait mérité d’être approfondie.
Les autres parties, notamment sur les divinités égyptiennes, fournissent quelques éléments essentiels pour mieux décrypter cet au-delà. Si ces informations peuvent contenter les novices, elles ne satisfont malheureusement pas les égyptologues chevronnés. Trop superficielles, elles leur paraissent trop souvent hors sujet et quelque peu brouillonnes.
L’exposition est en outre un peu chère, considérant que la plupart des œuvres viennent du Louvre même. De nombreuses pièces sont sans aucun doute issues des réserves et ne sont donc pas connues du public, mais malgré ce détail le prix reste tout de même trop élevé.
Pour ceux qu’une autre vision intéresse et qui ne connaissent pas vraiment le monde égyptien, cette exposition est un joli parcours et mérite le coup d’oeil. Pour les véritables passionnés, qui connaissent l’Egypte sur le bout des doigts, l’exposition ne vaudra le coup que pour les objets, et encore ; car ils risquent d’être déçus, non seulement par le manque de profondeur des explications mais également par l’élargissement choisi du sujet (éléments de temples, statues de divinités, etc). Pour eux, il aurait mieux valu éviter toute dispersion et se concentrer sur les portes du ciel et l’au-delà sur lequel elles ouvrent.

Hésitation…

Hésitation… l’auteur, elle, n’aurait pas dû hésiter une seconde à supprimer toutes les pages inutiles de son tome. Bien entendu, dans ce cas son œuvre aurait été moins importante, mais peut-être en serait-elle sortie meilleure.
Deux pages sur plus de cent sont réellement intéressantes et font avancer l’histoire. Le reste n’est qu’épanchements sur une vie plus que banale, et fort ennuyeuse au demeurant. Bella a retrouvé son amour, Bella est heureuse, Bella parvient à se réconcilier avec son vieil ami Jacob… Bella, que l’on peut voir se « rebeller » à un moment, ne se rebelle point tant que cela. Elle poursuit sa petite vie, qui tourne autour d’Edward. Soit. Comme pour le second tome, au bout de cent cinquante pages de cuisine pour son père, de petite révolte et de réconciliations, on commence à en avoir assez. Où est le fil directeur? Ne s’est-il pas perdu en route? Ce n’est plus une histoire d’amour qui nous est présentée, c’est un soap ennuyeux et sans fin, qui tient difficilement en haleine. En outre, le message moralisateur sous-jacent est plus que détestable. Tout auteur fait passer des messages dans ses écrits, oui ; mais prendre comme couverture une histoire de vampires, attirant la jeunesse, pour toucher le plus large public possible et distiller sa morale rigide est détestable. En effet, le grand discours ressortant de ce tome concerne l’abstinence. Abstiens-toi jusqu’à ton mariage. Préserve ta vertu. Comme si une histoire de vampires se prêtait à de telles injonctions… Ce qui est énervant, dans ce livre, est cette image bien pensante donnée à voir à tous. Bella, héroïne à laquelle toutes les adolescentes peuvent s’identifier, leur sert alors de modèle et risque de façonner leurs désirs. Non pas que ce discours soit répréhensible, non ; mais le présenter de telle façon à de jeunes adolescents qui sont influençables et pas forcément assez mûrs pour assumer leur différence et leurs propres décisions est condamnable. Cela ressemble fort à du prosélytisme masqué. Car, en chaque chose, la décision n’appartient qu’à celui qui doit la prendre. Il est ridicule, à notre époque, de voir un livre incitant autant à l’abstinence, surtout lorsque le livre est lu par des milliers d’adolescentes. Non que l’abstinence ou le mariage soient condamnables, loin de là ; ce qui l’est, c’est cette tentative de mettre dans la tête d’adolescentes des notions auxquelles elles ne penseraient pas spécialement, risquant de les mettre en danger. Ne vaudrait-il pas mieux les informer de toutes les options existantes et des risques qu’elles prennent si elles se laissent aller sans l’avoir prévu? Après tout l’erreur est humaine et les passions sont des pentes glissantes. Pourquoi une jeune fille serait-elle condamnable si elle cède à la passion, à ses sentiments? Si elle décide d’elle-même d’attendre la soi-disant bonne personne et de se marier avant de consommer, c’est son choix ; mais pourquoi lui mettre dans la tête qu’il n’y a que cette option de valide et de raisonnable? Pourquoi établir qu’il n’y a qu’une voie à suivre? Pourquoi établir qu’il n’y a qu’une morale? Ainsi, peu importe les actes répréhensibles que l’on peut commettre à côté, dès le moment où l’on conserve sa sacro-sainte vertu? Encore plus vicieux, l’auteur présente le refus comme venant d’Edward. Ce cher Edward est si parfait qu’il préfère attendre d’être marié et ne pas faire perdre sa vertu à son aimée. Bella, de son côté, agitée par ses sens, tente de le convaincre de passer la nuit avec elle. Mais Edward parvient à résister. Où voit-on cela, dans la vraie vie? Est-ce une bonne idée de faire croire à nos filles que les hommes refuseront leurs avances pour les préserver? Ne serait-ce pas les exposer au désenchantement? Et Edward, bien entendu, est présenté comme l’homme de la situation. Bella n’est qu’une adolescente cédant à ses sens. Edward est l’homme sensé et raisonnable, qui la repousse, qui se maîtrise. N’est-ce pas ridicule? Mieux vaut présenter à nos enfants la situation telle qu’elle est dans la réalité. Que le corps possède ses hormones, ses envies, et qu’il n’est pas forcément mauvais de se laisser tenter, dès le moment où c’est ce que l’on désire profondément. Mieux vaut informer plutôt que de devoir agir une fois qu’il est trop tard. En outre, il faut le répéter, la décision est personnelle et personne n’a à être jugé sur ses actes. C’est en cela que ce discours me semble dangereux : nous avons à penser par nous-même et à prendre nos propres décisions, nos propres responsabilités, plutôt que de nous cacher derrière des préceptes établis par d’autres. Nous devons prendre le risque de vivre plutôt que de céder à la facilité, de suivre les traverses posées par d’autres, et de finir sur une voie de garage puisque nous avons cédé à ce que les autres désiraient que nous fassions et non ce que nous voulions profondément.
Il vaut mieux apprendre à nos enfants à prendre leurs responsabilités plutôt que de suivre les idées de la masse bien pensante.

La stratégie Ender, la guerre et l’autre

En un siècle lointain, les humains ont été agressés par ceux qu’ils appellent les Doryphores. Après avoir perdu de nombreux vaisseaux et compatriotes, les dirigeants des Etats-Unis ont programmé la naissance d’un « troisième » enfant, dont le but sera d’éradiquer l’ennemi. Ses gestes sont suivis par un moniteur qui voit à travers lui et qui l’aide dans les situations difficiles. Jusqu’au jour où le moniteur est enlevé. Et Ender, le troisième dans un monde où seuls deux enfants sont autorisés, se retrouve face à ses semblables. Première bagarre, durant laquelle il comprend que pour être laissé en paix, il doit briser l’autre le premier. Première réflexion sur la survie en groupe, les actes et les désirs. Ender devra agir tout le long de sa vie non tel qu’il le désirerait mais tel qu’il le doit pour survivre. Et il s’entraînera à faire la guerre pour devenir le meilleur,  l’espoir, pour être celui qui détruira la menace.
Orson Scott Card nous décrit un monde différent du nôtre, mais pas tant que cela. Les règles de survie y sont les mêmes. Il nous montre une personnalité, qui est façonnée par ceux qui l’ont créée, mais qui parvient tout de même à conserver ses particularités. Ender est différent, non parce que ceux qui le manipulent l’ont voulu, mais parce que sa personnalité est ainsi. Et c’est seulement à la fin que le lecteur découvre la terrible vérité, tout comme Ender. A partir de ce moment, la véritable réflexion du livre apparaît. Comment pourrions-nous comprendre une autre civilisation qui n’aurait aucun des moyens de communication que nous possédons? Comment réagirions-nous si nous assistions à deux attaques terriblement mortelles contre notre propre civilisation? Et si un être, un seul, recevait des messages mais se trouvait incapable de les prendre pour tels, incapable de les interpréter et de les comprendre? Ainsi, une espèce entière sera éradiquée alors même qu’elle tentait de communiquer. L’histoire, assez simple au départ, est en fait bien plus profonde qu’elle n’y paraît de prime abord. Réflexion à la fois sur la manipulation, sur les motivations personnelles, sur le rôle que l’on peut se voir attribuer sans le désirer, sur le fait même de devoir poursuivre en se pliant aux manipulations ou renoncer en mettant ceux que l’on aime en danger… Réflexion également sur les rapports humains, la vie en groupe, et enfin sur l’étranger, l’autre, celui qui vient pour nous achever et que l’on se doit d’achever avant. Et si nous nous trompions? Pouvons-nous réellement comprendre ce qui nous est différent, autre? Pourrions-nous véritablement comprendre des espèces desquelles nous ne saurions rien et sur lesquelles nous ne pourrions que projeter nos peurs et nos craintes?
Premier tome d’une quadrilogie portant sur l’autre, la communication et la compréhension, la stratégie Ender commence magnifiquement le cycle.