Loppsi2, bientôt sur vos ordinateurs

Le gouvernement est déterminé, après Hadopi, à adopter une loi portant le nom de « Loppsi2 » (ou loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) et qui permettrait aux autorités judiciaires d’installer en toute légalité des chevaux de Troie sur les ordinateurs des particuliers. Les informations collectées pourront être conservées quatre mois et ce délai sera renouvelable sur injonction d’un juge. Avec en outre la création d’un fichier nommé Périclès qui permettrait de croiser toutes les informations rassemblées afin de lutter contre la cybercriminalité.
Ceci dit, afin de lutter contre cette cybercriminalité, il faudra à Périclès récolter de nombreuses informations personnelles sur les internautes, tels que numéros de carte grise, de permis de conduire, mais aussi par exemple des factures… Ces données seraient collectées non plus dans un cadre judiciaire légal mais dans celui de « traitements automatisés de données à caractère personnel concernant toute infraction commise contre les personnes ». Autrement dit, nos données personnelles ne seront plus personnelles et pourront être consultées par n’importe qui, quel que soit notre désir à ce sujet.
Ne serait-ce pas le début de Big Brother? Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, l’usurpation d’identité ou encore la pédo-pornographie, ne sont-ce pas plutôt les citoyens que l’on tente d’observer et d’orienter? Des sites seront mis à l’index, et s’il faut vraiment en supprimer certains, combien de temps faudra-t-il attendre pour que des plates-formes de libre échange le soient?  Combien de temps faudra-t-il attendre pour que le contenu de sites de discussions soit filtré? N’est-ce pas une tentative d’empêcher les gens de penser et d’échanger leurs idées? C’était ce qu’avait prévu Orwell dans son excellent roman 1984. Les gouvernants commencent par dire qu’il faut améliorer la sécurité, que ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre. Mais bientôt ceux qui pensent différemment auront tout à craindre et pourront justement se reprocher de ne pas penser comme la masse et comme le veulent nos élus. L’histoire nous l’a déjà pourtant montré : la suppression des libertés commence par un petit pas et se réalise lentement, mais elle se réalise. Désirons-nous vraiment un monde formaté, où tous les gens penseront la même chose? Désirons-nous vraiment un monde où nous risquerons d’être jeté en prison, voire lobotomisé, si nous n’acceptons pas les grandes lignes de pensée de notre gouvernement?
Il faut défendre nos libertés fondamentales et veiller à ce que de telles lois, si elles passent, ne dérivent pas. Car c’est au citoyen qu’il revient de lutter pour pouvoir, en définitive, penser par lui-même. La liberté n’est jamais un acquis.

L’homme tombé du ciel de Walter Tevis, une autre analyse de notre société

L’homme tombé du ciel nous conte l’histoire d’un être, humain mais non homme, débarquant sur Terre afin de sauver ce qu’il reste de sa société et de ses compagnons.
Nous apprenons petit à petit, à travers son regard, que ces êtres sont technologiquement très évolués mais que des guerres intestines les ont décimés et leur ont fait perdre l’énergie nécessaire à leur technologie. En désespoir de cause, et après avoir étudié de longues années les morceaux télévisés qu’ils recevaient de la Terre, ils décident d’y envoyer l’un d’entre eux.
Newton l’Anthéen se retrouve donc sur Terre, où il doit apprendre à s’adapter, d’abord à la gravité un peu trop forte pour lui, ensuite à la société et aux êtres humains, dont les rapports sont bien différents de ceux qu’il pensait rencontrer suite à son visionnage télévisuel. Il suit le plan préétabli par les siens tout en gagnant de l’importance et de l’argent. Mais il se sent seul, isolé, perdu au milieu de gens qui ignorent ce qu’il est véritablement et qui ressentent différemment. Il en vient à se demander s’il va réellement suivre le plan qui doit faire venir les siens sur Terre, mais surtout qui vise à empêcher les êtres humains de se détruire – car les siens ont prévu une guerre semblable à celle qui fit choir leur civilisation et qui éradiqua la plupart des habitants de leur planète. Désirant empêcher cette destruction qui ne verra pas seulement mourir l’humanité mais aussi la planète et sa biosphère, Newton se doit de terminer le vaisseau spatial qui ira chercher les siens et les ramènera sur terre. Le temps leur est compté, puisque l’instant crucial ne doit pas être atteint avant que les Anthéens ne débarquent. Si le plan peut être respecté, les Anthéens infiltreraient le gouvernement et sauveraient la Terre.
Malheureusement, même les meilleurs plans ont une faille. Des morceaux de films et d’émissions télévisées ne sont pas suffisants pour décrire en profondeur une société. C’est-ce que comprend Newton, hélas trop tard. Il découvre sur place la complexité des sentiments et des rapports humains et réalise qu’il demeurera toujours un étranger. Désire-t-il réellement infliger cet exode à tout son peuple? Désire-t-il réellement infliger cette douleur d’adaptation, cette douleur physique également, à ses enfants et à sa femme? Peut-il conserver sa personnalité d’origine ou l’influence de cette nouvelle société le modifiera-t-elle?
Mais la grande question que pose ce roman, et la plus importante, est la suivante : l’humanité mérite-t-elle d’être sauvée?
Nos comportements peuvent déterminer notre futur. Les actes de nos dirigeants sont ceux qui nous sauveront – ou nous condamneront. Notre survie dépend de notre manière de considérer et de traiter celui qui est perçu comme « l’étranger ».
Ce roman est un très beau roman, émouvant, qui donne à ressentir et pose, à la manière élégante et délicate de Walter Tevis, des questions essentielles. Le lecteur parvient totalement à s’identifier au héros alien. D’ailleurs, il ne faut pas nécessairement être un alien pour éprouver ce que Newton éprouve. Chacun pourra se reconnaître dans cette oeuvre et reconnaître les travers de notre société, qui sont une fois de plus fort bien décrits. Avec, au final, cette même question, l’humanité mérite-t-elle d’être sauvée? Et, surtout, ne se condamne-t-elle pas elle-même?

Tarzan bientôt au quai Branly

A partir du 16 juin, il sera possible de visiter au quai Branly l’exposition « dossier » intitulée « Tarzan! ». Titre sobre et marquant à la fois, le but de cette exposition est de découvrir les fondations du mythe de l’homme singe, dixit les explications du quai. D’autres explications nous avaient suggéré que le quai tenterait également d’aborder à travers ce sujet la manière dont sont considérées les populations africaines dans la pensée populaire. Soit. N’était-ce pas déjà le cas avec l’exposition sur le jazz, qui aurait dû nous emmener aux racines du jazz, mais qui nous a laissé un goût d’inachevé?
Pourquoi, d’ailleurs, un musée tel que le quai est-il obligé de se pencher sur Tarzan? N’est-ce pas un sujet médiatique, destiné à attirer le public, plus qu’un véritable désir d’étudier et de montrer à ce dernier la façon dont sont perçues les populations africaines dans la pensée populaire occidentale? Pourquoi prendre ce mythe en particulier et en faire l’objet phare de l’exposition, si ce n’est pour attirer une foule qui ne visiterait probablement pas une exposition « ordinaire » d’ethnologie? D’ailleurs, lorsque l’on lit le descriptif de la « visite-expédition Tarzan » qui consiste en « un rappel des épisodes importants des aventures de Tarzan, la découverte des inventions langagières de son auteur Edgar Rice Burroughs et une initiation au fameux langage singe », on ne peut que se sentir quelque peu gêné par le contenu de la visite-expédition… Où sont les fameuses populations africaines dont on nous a parlées? N’y a-t-il pas de mythe plus ethnologique que celui de Tarzan? N’auraient-ils pas pu faire, par exemple, une exposition sur les griots africains et les contes africains, avec en figure phare des conteurs comme Amadou Hampâté Bâ, qui fait un merveilleux travail de vulgarisation? On s’attendrait plus à trouver des racines de civilisations dans un thème tel que celui-ci. Il est regrettable qu’un musée tel que le quai soit obligé de faire des expositions de ce type pour attirer le public.
Il ne reste plus qu’à attendre l’ouverture de l’exposition et à la visiter pour voir comment le quai s’en tire avec ce sujet. Il est à espérer que les puristes soient agréablement surpris. Car jusque-là, les expositions respectaient le fil directeur « ethnologique » et « archéologique », nous faisant pénétrer d’autres cultures, ce qui est un peu le but initial de ce genre de musée. Affiche de l'exposition "Tarzan!" au quai Branly

La floraison des cerisiers à Tokyo

A la fin du mois de mars, début du mois d’avril, c’est la saison des cerisiers au Japon. A la fin du mois de mars, les boutons s’ouvrent et les premiers pétales pointent. En quelques jours à peine, et notamment s’il pleut bien durant un après-midi ou deux, les cerisiers se couvrent de fleurs éclatantes, allant d’un blanc parcouru de rose pâle au rose le plus foncé. Les pétales s’envolent doucement, parsemant les rues et les parcs. Leurs masses rosées emplissent le ciel et les rues de la bourdonnante cité. Uniquement ornementaux, les arbres sont différents de ceux qui produisent des cerises. Après en avoir contemplés de près, on comprend mieux pourquoi les Tokyoïtes sont fous de ces arbres. Plutôt petits, ils ont un aspect quelque peu noueux mais non dénué de charme. Certaines espèces, appelées cerisiers pleureurs, voient leurs branches pencher vers le sol, à l’image des saules pleureurs. Ces cerisiers pleureurs se trouvent dans certains petits jardins de Tokyo, égrenant leurs branches chargées de fleurs au-dessus de l’eau. Le spectacle est enchanteur.
Le cerisier, ou sakura, est très important pour les Japonais, voire sacré. Symbole de beauté mais aussi d’évanescence, il rappelle tous les jours que la vie est éphémère et belle à la fois. L’arbre est très respecté et sa floraison est un instant de fête et de célébration.
A la fin de la journée, les Japonais envahissent leurs parcs, et plus particulièrement les allées de cerisiers. Dans le grand parc d’Ueno, au nord de Tokyo, où se trouvent des suites de temples et plusieurs musées d’art, des bâches bleues sont étalées sous les arbres. Les Japonais s’y installent pour manger un morceau et boire un verre, et ce même s’il fait froid. L’atmosphère est bonne enfant et détendue malgré l’affluence. En effet, dans les allées, impossible de faire un pas sans buter contre une autre personne. Il est tout aussi impossible de prendre l’allée en photo sans qu’y figure une foule compacte. Mais aucun signe de stress ni d’énervement. Les rires fusent tandis que les dernières bouchées de sucreries sont consommées. Et il y a toujours une main et un œil charitables pour tirer votre portrait sous les ramures rosées.
Lorsque l’on voit les cerisiers fleurir, l’on comprend pourquoi ils symbolisent la beauté. Il n’y a en effet rien de plus émouvant que cette fleur délicate et fragile, si éphémère qu’il ne faut que quelques jours pour que les pétales se détachent. Pourtant sa beauté, elle, demeure dans les cœurs. Les fleurs de cerisiers décorent d’ailleurs de nombreux objets, des kimonos aux assiettes de céramique. Dans les rues et les parcs, elles peuvent s’admirer jusqu’au mois de mai.

Programme de la nuit des musées, 16 mai

Comme tous les ans, la nuit des musées se réitère cette année. Le 16 mai, à partir de 18h, les musées de la Ville de Paris ouvrent leurs portes gratuitement et proposent des animations éphémères et des parcours spécialement conçus à cette occasion. Les collections permanentes sont accessibles, tout comme les expositions temporaires, qui se trouvent elles aussi être gratuites. Autour de thèmes musicaux, littéraires ou encore esthétiques, ce sont de véritables balades qui sont proposées aux visiteurs.
Pour ceux qui seraient tentés par une promenade musicale, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (11 avenue du Président Wilson, 75016) offre un parcours musical interprété par les élèves du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris et le Musée Carnavalet (23 rue de Sévigné, 75003) propose différents concerts de 19h30 à 21h30. Dès 20h, il est également possible d’y admirer un couple de danseurs de la Compagnie Acajou. La musique traditionnelle vietnamienne est quant à elle à l’honneur au musée Cernuschi (7 avenue Velasquez, 75008) à 20h, 21h et 22h.
Pour ceux qui préfèreraient les visites conférences, le musée Cernushi en organise une autour de son exposition « Six siècles de peintures chinoises, œuvres restaurées du musée Cernuschi » ; le Musée de la Vie Romantique (Hôtel Scheffer-Renan, 16 rue Chaptal, 75016) se penche sur la photographie, « Marc Riboud, l’instinct de l’instant, 50 ans de photographie » avec la présence exceptionnelle de l’artiste à 19h30 ; le Musée Carnavalet s’attarde sur son exposition historique « Bâtir pour le roi, Jules Hardouin-Mansart » ; et le musée Zadkine (100 bis, rue d’Assas, 75006) organise un parcours muséographique avec mise en lumière des œuvres de l’artiste.
En partenariat avec le CNES, la Maison de Victor Hugo (6 place des Vosges, 75008) organise lectures et vidéos en relation avec l’œuvre de l’auteur sur le sujet « L’Espace, si près, si loin ». D’autres lectures sont organisées à la Maison de Balzac (47 rue Raynouard, 75016) et les artistes du Pavillon se produisent au Musée Bourdelle (16 rue Antoine Bourdelle, 75015).
Le musée Cognac-Jay (8 rue Elzévir, 75003) présente un duo contes et musique sur le thème « Les progrès de l’Amour », avec à 20h30 des contes libertins pour les plus de 16 ans et à 22h des contes érotiques pour les adultes.
Enfin, il est possible de faire un voyage en Europe au Petit Palais (avenue Winston Churchill, 75008), en retirant au préalable à l’accueil du musée son passeport. Sept étapes avec différentes animations s’enchaînent.
Avec le choix que proposent ces différents musées, il est possible de trouver son bonheur tout en profitant de couloirs qui ne veillent que rarement jusqu’à minuit. En plus d’une balade dans la culture, une balade dans les monuments importants de Paris s’offre aux promeneurs. Comment joindre l’utile à l’agréable…

Pour plus de renseignements, visitez www.musees.paris.fr

Hadopi et liberté d’expression

Les derniers retournements de l’affaire Hadopi relancent le débat sur la liberté d’expression. En effet, après avoir envoyé un email de son matériel et de sa messagerie personnels à sa député de circonscription, Jérôme Bourreau, employé de TF1, s’est retrouvé sur la sellette et proprement remercié. Au-delà des erreurs de l’infrastructure, puisque cet email s’est baladé et a finalement atterri au Ministère de la Culture, on peut se demander où nous allons si, pour avoir juste donné son avis sur un sujet d’actualité, un employé se fait licencier. Est-ce parce que l’on appartient à l’un des plus gros média de France que la libre expression doit être refusée? Est-ce parce que l’on appartient à l’un des plus puissants média que l’on doit automatiquement se ranger à l’avis de ses puissants dirigeants? Dans un pays libre comme le nôtre, il devrait être normal de pouvoir donner un avis négatif, surtout sur un sujet aussi sensible que la loi Hadopi.
La France s’est toujours montré le pays de la libre expression, bien que quelquefois ce titre puisse être remis en question. Quel est l’avenir d’un pays si l’on doit craindre d’être licencié pour avoir avoué qu’une loi nous semble mauvaise? Le débat sur la place publique a toujours été un gage de démocratie, après tout. Qu’adviendra-t-il si ce droit est peu à peu supprimé? Qu’adviendra-t-il si les opposants sont montrés du doigt et qu’on leur dénie leur droit de parole?
Bien entendu, après que la presse se soit emparée de l’affaire, le Ministère de la Culture a fait machine arrière et mis à pied l’employé délictueux qui aurait fait suivre l’email incriminé et incriminant ; employé que la Ministre a refusé de nommer. Mais si aucun bruit n’avait filtré, qu’en serait-il de Jérôme Bourreau? Serait-il en train de pointer au chômage juste pour s’être exprimé? Sans aucune défense possible? Cette affaire soulève beaucoup d’interrogations. Et quoi que l’on puisse lui reprocher, tant que la presse restera un moyen d’expression et de contestation, elle conservera sa légitimité. Il est d’ailleurs surprenant de ne pas en entendre parler à la télévision. Comme s’il y avait deux courants différents d’information. Par la presse écrite, et maintenant surtout par le net, le citoyen lambda peut s’exprimer et donner son avis sur différents sujets. Que ces avis soient ou non éclairés, intelligents, sensés, ils ont droit d’expression.
L’affaire Hadopi remet déjà en cause nombre de droits personnels, puisque l’utilisateur paye partout des taxes et qu’il devrait en plus payer à chaque téléchargement. Le téléchargement illégal fait vaciller les grands majors plus qu’il n’indispose les petits artistes talentueux. D’ailleurs, le net n’est-il pas un moyen de se faire connaître? Il est vrai que beaucoup de personnes n’aiment pas payer ce qu’elles peuvent obtenir gratuitement mais si l’artiste plaît vraiment, alors l’achat suivra. Il est possible de voir cela comme un essai avant un choix définitif. Ne peut-on pas essayer une voiture, un jean, avant de se décider à l’acheter?
Ce dernier retournement concernant une loi décriée a le bon goût de questionner ce que nous prenons pour des acquis fondamentaux, comme notre droit d’expression, et de réveiller les consciences en nous montrant qu’il ne faut jamais cesser de les défendre si nous voulons qu’ils perdurent.