La dictature de la 3D

Lorsque la 3D a fait son apparition, ç’a été un véritable phénomène. Il était plutôt amusant de se dire que cette nouveauté technique était accessible à tous. Il était plutôt amusant de se dire que, si on en avait envie, on pouvait s’offrir une soirée en profondeur sur grand écran.

Oui, mais voilà : après la possibilité arrive l’imposition.

Aujourd’hui, lorsque l’on cherche un film disponible à la fois en 2 et en 3D, c’est un véritable parcours du combattant. Il faudrait renoncer soit à son porte-monnaie soit à son désir de VO ; car il s’avère de plus en plus difficile de trouver une séance en VO en 2D avec une large sélection d’horaires. Le choix s’est réduit comme une peau de chagrin.

On est en droit de se demander si on ne sera pas bientôt obligé de voir tous les films en 3D. En effet, si de moins en moins de séances « normales » sont disponibles, comment peut-on encore parler de choix ? On a déjà bien du mal à combiner, comme dit plus haut, la VO à la 2D… Pourquoi, sous prétexte de grande avancée technique, devrait-on AVOIR ENVIE de voir les films en 3D ? Pourquoi ne pourrait-on pas les voir à 15 ou 18 heures, en deux dimensions et en VO ? Et si le spectateur préfère le truchement de ses propres organes pour assister à un film, où est le mal ? Sera-t-on bientôt considéré comme un intellectuel réfractaire si l’on refuse la 3D ?

The reader : société et responsabilités

The reader est un film magnifique, à plusieurs degrés de lecture. Le spectateur, à travers les personnages, est amené à s’interroger non seulement sur lui-même, sur ses propres perceptions et sa morale, mais aussi sur la société et ses écueils. En effet, l’être, bien qu’individuel, ne peut se faire lui-même, il est avant tout le produit de sa société, couplé à son expérience personnelle.
La question que pose The Reader est celle de la responsabilité, dans tous les sens du terme. De la responsabilité de la société envers ses membres et de la responsabilité d’une personne en tant qu’être humain.
L’histoire commence par une histoire d’amour, vers la fin des années 1950, qui se termine brusquement et sans explication. Quelques années plus tard, alors étudiant en droit, Michaël, le héros, se rend à un procès contre d’anciennes SS et découvre, atterré, le visage de la femme qu’il a aimée parmi ceux des accusées.
Ce procès nous montre d’abord que la justice n’est pas juste, qu’elle est juste humaine et que dès que le facteur humain entre en jeu, il y a manipulation, mensonge, et erreur. En effet, personne ne connaît le secret de Hanna, l’ancien amour de Michaël : Hanna est analphabète. Si ce fait avait été connu, le procès se serait déroulé autrement. Mais les jurés ne cherchent guère plus loin que ce qu’ils voient. Hanna dérange, parce qu’elle est elle-même, parce qu’elle dit la vérité et ne se soumet pas au jeu des apparences. Quoi qu’elle ressente, elle ne le montre pas et ne se cache pas. Pour elle, il était logique, à l’époque, d’agir comme elle l’avait fait et elle ne le nie pas. Tandis que ses co-accusées jouent sur tous les tableaux. En définitive, la personne la plus morale des accusées est celle qui est condamnée le plus durement par le système. Parce que ses actes ne sont pas hypocrites mais manquent du vernis que les juges attendent d’une condamnée pour de tels crimes.
Le procès pose également ce problème : comme le dit l’un des maîtres de Michaël, la société n’est pas fondée sur la morale, mais sur la loi. La loi telle que l’établissent les hommes prévaut. Hanna servira d’exemple. Elle est condamnée, certainement parce que tous, quelque part, se sentent coupables, et qu’à travers elle on punit cette société qui n’a pas su réagir et se rebeller pour défendre le « bien ».
Au niveau sociétaire, ce film est une véritable dénonciation. En effet, il est facile de retrouver quelques gardiennes et de les faire passer en jugement. Mais ces gens qui jugent, où étaient-ils à la même époque ? Que faisaient-ils ? N’est-il pas absurdement simple de montrer du doigt quelques personnes sans remettre en cause son pays, ses parents, son Etat ? Hanna n’est-elle pas elle-même une victime, quelque part ? Ne  sert-elle pas qu’à donner bonne conscience à cette société revenue dans le droit chemin? Si humainement ce que Hanna a fait est inqualifiable et immoral, The Reader nous montre que les considérations des sociétés dépendent du contexte. La seule considération qui ne change pas est la nôtre, car l’être humain sait normalement au fond de lui ce qui est vraiment bien ou mal quant au respect de la vie. Il est intéressant en soi de voir comment les sociétés considèrent la morale. Il ne s’agit donc ici ni de bien ni de mal mais de conformité aux règles.
A partir du procès, on s’interroge non seulement sur le bien fondé de la justice mais aussi sur les manquements de la société. Si la société avait pris en charge l’éducation de Hanna, comme l’on peut l’attendre d’une société civilisée, celle-ci aurait eu un destin différent.
Bien entendu les actes qu’elle a commis sont injustifiables. Hanna a fondamentalement toujours eu le choix. C’est là que la responsabilité personnelle entre en jeu. Jusque là, Hanna était victime des manquements de la société : elle ne savait pas lire, la société participant à son état ; mais en choisissant d’envoyer des êtres humains à la mort, Hanna a engagé son libre arbitre.
La responsabilité de Michaël entre également en jeu. Ce n’est pas parce qu’il préfère respecter le désir de Hanna de ne pas révéler son défaut qu’il se tait, mais bien parce qu’il est lâche et tourne les talons au moment où il aurait pu l’aider. De ce fait le jugement rendu est plus lourd que ce qu’il aurait dû être.
C’est en prison que Hanna apprend à lire et à écrire, grâce au héros qui lui envoie des cassettes audio de classiques qu’il lit. En apprenant à lire, Hanna ressent directement tout ce qu’elle ressentait indirectement lorsque des gens lui faisaient la lecture. Elle est en contact avec sa sensibilité, sans filtre, et si elle avait pu ressentir ainsi avant, sans doute n’aurait-elle pas commis les crimes qu’elle a commis. Elle aurait pu être touchée par des êtres humains réels plutôt que par des personnages.
Malgré ce que l’on peut croire, Hanna a véritablement réfléchi à ses crimes, mais elle sait que les regrets ne feront pas revenir les morts. C’est pour cela qu’elle lègue son argent à l’une des rescapées de la longue marche de la mort qu’elle avait supervisée. Elle sait que ses actes sont irrécupérables. Mais avant de se suicider, peut-être a-t-elle l’espoir que l’argent, quelque part, aidera, comme elle n’a su aider à cette époque de sa vie.
Il n’y a d’ailleurs pas que Hanna qui apprend de ses erreurs : le héros également apprend, il apprend grâce à elle que tant qu’il se coupera des autres il ne pourra que souffrir. En ce sens, la mort de Hanna, bien que terrible pour lui, lui montre qu’il doit aller vers ceux qu’il aime et s’ouvrir à eux, avant de les perdre. Le temps perdu ne se rattrape pas.
Le pardon est difficile à obtenir. Peut-être ne sera-t-il jamais donné. Mais pour qu’il le soit, il faut que les responsabilités soient assumées. C’est en ceci que Hanna s’est libérée de ses crimes. Et que Michaël s’est libéré du fardeau des murs qu’il s’imposait.

Coraline ou ce qui cache derrière les apparences

Coraline est une très bonne adaptation du livre éponyme de Neil Gaiman. Coraline est une petite fille venant de déménager dans une grande maison, peuplée d’étranges voisins, et dans un lieu quelque peu reculé, où il n’y a rien d’amusant à faire pour une enfant. Elle peut juste partir à la découverte de son nouvel environnement et tenter de ne pas s’ennuyer à mourir, ce qui lui est plutôt difficile. Mais un jour, Coraline découvre brusquement une porte qui ouvre sur un autre monde. Un monde autrement plus merveilleux que son quotidien, où ses parents lui prêtent enfin attention et s’occupent d’elle. Tellement différent de sa morne réalité quotidienne qu’elle finit par préférer cette autre réalité.
Cependant Coraline va peu à peu découvrir que les apparences sont souvent trompeuses. Ses parents qui la négligent dans son vrai monde l’aiment malgré tout réellement, plus réellement que cette étrange mère qui lui cède ses moindres envies. Car cette autre réalité, que dissimule-t-elle? Coraline apprend que les apparences ne sont que des masques qu’il faut savoir soulever et qu’il ne faut pas se laisser avoir par les mensonges des aspects.
Le dessin animé, du réalisateur Henry Selick (également auteur de l’Etrange Noël de Monsieur Jack), est très beau. Les marionnettes sont expressives au possible, affichant merveilleusement les sentiments qui les habitent. Le décor aussi est très beau, comme le jardin merveilleux dans l’autre réalité, pur moment de poésie.
Ce dessin animé vaut le déplacement (il est encore joué par quelques cinémas). On en ressort plus léger, enchanté par ce conte moderne et sa poétique adaptation.

L’age de glace 3

Pour ceux qui ont besoin de se détendre, d’un moment qui leur fera oublier leurs soucis, L’âge de glace 3 est sur les écrans, et il est plutôt réussi. Dès les premières scènes l’amusement est présent. Aussi bon que le premier opus, nous y retrouvons nos personnages préférés, de Manny à Sid en passant par Scrat… Avec quelques nouveautés, comme l’apparition de Scrattina.
En voyant l’affiche, l’on pourrait se demander comment les dinosaures peuvent se profiler sans dénaturer l’histoire… eh bien leur introduction est bien réalisée. Suivant une certaine logique, surfant sur l’idée du monde perdu, nos amis découvrent un monde caché, où survivent deux dinosaures, dont une « maman » qui enlève Sid à mi-chemin du film. L’aventure ressurgit lorsqu’il faut aux autres membres de la horde aller chercher le paresseux.
Les bébés dinosaures sont aussi très amusants. Une franche tranche de rire lorsqu’ils « jouent » avec les autres enfants du groupe. Les gags peuvent paraître faciles mais ils sont toujours bien réalisés, prennent place au bon moment, et ne dérapent pas. Le rire sait rester léger et divertissant. En outre, le graphisme est réussi, les images sont nettes et belles, et il y a énormément de plans visuellement très beaux. L’on pourrait citer par exemple le parc de jeu que Manny réalise pour son futur enfant, avec le mobile de silhouettes découpées dans la glace.
D’aucuns pourraient reprocher au film son abondance de bons et nobles sentiments, mais après tout c’est surtout l’histoire d’une amitié et des sentiments qui lient des gens n’ayant aucun lien de sang entre eux. Il n’y a pas de moments où les bons sentiments se changent en sentimentalisme dérangeant, au contraire. Il faut juste savoir où l’on met les pieds avant de pénétrer la salle.
L’âge de glace 3 est un bon divertissement, qui amusera autant les grands que les petits. Cette troisième histoire vaut la peine d’être vue. L’heure quarante que dure le film semble ne durer que le temps d’un éclat de rire.