Le maire du 18ème participe à un forum mandé par la ministre de l’Intérieur

Le 29 avril, à 19h, a eu lieu à la Mairie du 18ème (Jules Joffrin), un forum intitulé « Vos libertés, Votre sécurité, Parlons-en ensemble », à la demande de la ministre de l’Intérieur.
En présence du Maire du 18ème, du Préfet et du Commissaire de l’arrondissement, les habitants étaient invités à s’exprimer et à débattre. Excepté dans quelques quartiers privilégiés (est-il réellement besoin de préciser lesquels? je pense notamment à une certaine butte), il est à constater que l’arrondissement entier affronte les mêmes problèmes : drogue, prostitution, squattage de halls d’immeubles, vols de poubelles, dégradations et vandalisme gratuit…
Le Maire de l’arrondissement, monsieur Vaillant, fait son speech. Entre deux remerciements, il distille son programme politique et rappelle ce contre quoi il est (tolérance zéro, risque zéro). Après une bonne demi-heure de blabla stérile, et un clip vidéo dont je doute de l’utilité, le « débat » est enfin lancé. Des questions sont posées par l’assistance. Il ressort, entre autres réponses langue de bois, que la police fait son possible et qu’elle ne peut être partout à la fois. La salle s’échauffe. Aucune solution réelle n’est apportée, à aucun moment. On conseille aux habitants de porter plainte dès que « quelque chose se produit ». Ce qui ressort de cette consultation, c’est que les habitants n’ont pas de réelle alternative. C’est à eux de « sécuriser » leur immeuble (code, digicode, porte refaite, etc) et si leurs problèmes persistent, la police passera de temps en temps. La police semble un peu débordée…
Je comprends tout à fait que les forces de l’ordre soient débordées, je ne remets pas cela en question. Ce que je remets en question, par contre, c’est l’attitude du maire, qui me semble bien loin des préoccupations des habitants de son arrondissement. A l’écouter, tout est mis en oeuvre pour résoudre leurs problèmes… dans les faits, les lettres des plaignants demeurent sans réponse, quand il ne leur est pas rétorqué que « ceci n’est pas le problème du maire ». Je veux bien que des actions soient mises en place et que des difficultés les empêchent d’être totalement efficaces, mais l’habitant a trop souvent l’impression d’être laissé à lui-même et de devoir faire face seul. Que peut-il donc faire? L’Institution est-elle vraiment si impuissante face à ces problèmes? Jusqu’où le citoyen devra-t-il aller pour se sécuriser et sécuriser les biens qu’il a tant de mal à acquérir (rappelons que le 18ème est l’un des quartiers les plus pauvres de Paris)?
Il ressort donc de cette réunion qu’il n’existe aucune solution véritable. A part prendre leur mal en patience, attendre que les réseaux de drogue soient démantelés et passer leur temps à porter plainte, les habitants du « mauvais côté » du 18ème n’ont pas beaucoup d’autres options – leur reste l’espoir que ce que compte faire le maire (qui parle beaucoup au futur) améliorera vraiment la situation. Quand on n’a plus rien, n’est-ce pas, on peut encore espérer…

Our Body, dernier jour

Aujourd’hui était le dernier jour pour visiter l’exposition Our Body, à corps ouvert à l’Espace 12 Madeleine. Dès ce soir, à moins que les exposants ne décident de payer l’amende pour poursuivre l’ouverture, l’espace baissera le rideau.
Je m’y suis donc rendue afin de constater de moi-même comment était réalisée l’exposition. En premier lieu, un panneau annonce que les corps présents sont ceux de volontaires ayant fait don de leur corps à la science. Il est vrai que par la suite, aucune provenance n’est précisée, mais puisqu’une première annonce a renseigné les visiteurs quant à la provenance, il n’est pas utile de la répéter à chaque endroit.
J’ai souvent entendu reprocher que les corps étaient traités sans réel respect. Je ne suis pas d’accord. J’ai plus été choquée par les commentaires et les remarques déplacées des visiteurs que par la mise en scène des cadavres. Il est vrai que découvrir un corps coupé en fines tranches est un peu impressionnant et choquant, et l’on peut se demander s’il était vraiment utile de le présenter ainsi à un grand public. Mais le ton de l’exposition est donné dès le départ : il s’agit d’une présentation scientifique. C’est donc le ton scientifique qui est mis en avant. Pour mieux aider à visualiser les organes, les corps sont en effet mis en scène, mais nous savons tous qu’il se passe pire en cours d’anatomie dans nos fac de médecine. La mise en scène est sobre, sans poudre aux yeux ni jeux de paillettes destinés à impressionner le public.
J’ai trouvé l’exposition très intéressante, bien réalisée, sans esbroufe. Les explications sont claires, facilement lisibles et accessibles ; on pourrait leur reprocher leur surface, se contentant de commenter sommairement et de lister certaines généralités, mais la plupart des spectateurs les ignorant, elles sont utiles. On aurait pu souhaiter quelques précisions et quelques profondeurs, mais si l’on est réellement intéressé par le sujet, il suffira de chercher sur le net ou de consulter des ouvrages.
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai trouvé cette exposition intéressante et pas du tout inconvenante. Seules les réactions des visiteurs et certains commentaires déplacés font montre d’un irrespect : ce jeune homme qui répond au téléphone en hurlant que « c’est trop bien, c’est trop super » face à des morceaux d’être humain ou encore une personne commentant un écorché en disant « c’est pas très joli ça par contre ». Le problème, à ce niveau, étant plus la considération et la convenance personnelles. L’irrespect venait des visiteurs et non du cadre en lui-même.
C’est à chacun de penser aux vies qui ont habité ces corps et de les respecter. La plupart des gens oublient qu’il s’agissait d’êtres humains et se comportent comme s’ils n’avaient face à eux que des contenants ou des reproductions. Si la démarche qui amène à visiter ce lieu est une démarche scientifique, il n’y a pas de problème, le respect sera présent.
Concernant la provenance des corps, il est vrai que s’ils font suite à un trafic d’organes il est inadmissible de les découper et de les présenter de la sorte. Simplement je m’interroge : puisque cette exposition a été présentée dans le monde entier et que cela fait quelque temps déjà qu’elle tourne, la question de la provenance a déjà dû être soulevée et étudiée. Je ne m’expliquerais pas, sinon, sa présence dans de si nombreux pays.
Serait-ce un coup de pub? Ou les motifs de protestation sont-ils légitimes?

L’exposition Our Body interdite

L’exposition Our Body, qui aurait dû se tenir jusqu’au 10 mai à l’Espace, 12 boulevard de la Madeleine, a été interdite. Ensemble contre la peine de mort et Solidarité Chine avaient porté plainte pour non respect du corps humain. Encore Events, l’organisateur de l’exposition en France, a décidé de faire appel.
L’exposition a été présentée dans de nombreux autres pays où elle n’a soulevé aucune polémique. Elle a été tenue récemment à Lyon et s’il y avait eu quelques critiques face à la vue de corps humains pour certains présentés par morceaux, l’exposition s’est poursuivie sans problème. Mais sur Paris, la justice a tranché et l’exposition doit fermer ses portes.
N’ayant pu la visiter, je ne peux donc donner mon avis sur la présentation des corps. Cet événement me paraissait intéressant, dans l’idée d’amener à la vue du public une anatomie à laquelle il ne peut d’ordinaire avoir accès. Je trouvais cela éducatif, d’autant que d’après les organisateurs les corps étaient ceux de personnes en ayant fait don à la science. J’appréciais le côté scientifique et un peu inhabituel de l’événement.
Je ne pourrai pas me faire mon propre avis, ce que je trouve regrettable. Maintenant, si la justice apporte la preuve d’une possession et exposition illégales de cadavres, il est normal que l’exposition doive fermer ses portes. Je m’interroge néanmoins sur la véritable raison : n’est-ce pas plutôt la présentation grand public de ce qui nous attend et la mise en avant de la mort elle-même qui effrayent les gens?

L’oiseau d’Amérique ou l’avenir de nos sociétés

Depuis 1984, je n’avais pas lu de roman « d’anticipation » qui me touche autant ; bien entendu, il y avait eu Le Meilleur des Mondes, d’Aldous Huxley, mais je ne m’étais pas sentie aussi impressionnée ni enthousiasmée que par 1984. Pourtant, le monde dépeint était aussi horrible dans son genre et les prévisions réalistes.
Et puis j’ai lu l’oiseau d’Amérique, de Walter Tevis. A peine quelques pages et j’étais déjà plongée dans l’histoire, touchée par cette étrange société, cette solitude insidieuse et insinuante qui s’infiltre partout et devient même la règle. Brusquement, j’ai l’impression d’avoir trouvé la toile par laquelle pourrait s’achever notre propre société. La solitude, l’individualisme, ne sont-ils pas déjà présentés comme modèles? Ne pas perturber les autres avec nos problèmes, ne pas montrer ses émotions en public, vivre retiré en soi… et ne penser qu’à soi, puisqu’en définitive rien n’importe plus que son propre sort.
Je suis aspirée par ce livre comme dans une bonde ; ce qu’il décrit me paraît tellement juste, tellement possible, tellement réaliste! J’ai tant l’impression que nous gravissons les premières marches menant à ce genre de société… une société dans laquelle les livres, et la lecture, ont peu à peu disparu. Il n’y a plus que la télévision. Toutes les notions du vieux monde ont elles aussi disparu. Les liens, qui allaient avec, également. Car c’est que la lecture enseigne et apporte : l’échange de sentiments, d’idées. Il y a des livres, aujourd’hui, qui cèdent à la facilité, c’est certain. Mais en lisant cette oeuvre, on se dit que même ces livres avaient leur raison d’être, puisqu’ils participaient de toute façon de l’écriture. Les livres déclenchent des émotions, et quand on ne sait plus ressentir, on peut apprendre, ou réapprendre à le faire en lisant. Si à certains moments la lecture est un isolant, elle est aussi un pont jeté entre les gens. C’est elle qui parfois nous révèle ce que nous avons sous les yeux sans l’avoir jamais compris, c’est elle qui nous permet d’éprouver de la passion, amour ou haine, envers un style et une histoire, et surtout c’est elle qui nous permet d’aller à la rencontre de notre prochain, pour échanger sur nos lectures. D’ailleurs, n’est-elle pas le vecteur qui relie deux étrangers, lorsqu’ils découvrent qu’ils ont parcouru le même texte? Des discussions, voire des amitiés, se créent ainsi. L’humain se définit par sa capacité de découvrir et le fait qu’il ne cesse jamais d’apprendre.
L’écriture étant un vecteur, une ligne d’intelligence, et donc de rébellion et d’insoumission, elle a été peu à peu supprimée dans le monde de l’oiseau d’Amérique. Comme le dit l’un des personnages, les gens étaient trop paresseux pour encore vouloir apprendre à lire, et pour ceux qui l’auraient désiré, cela devient un geste interdit. Il est tellement plus simple de regarder des images sur un écran… tellement plus simple d’avaler des pensées stéréotypées et prémâchées et de céder à la tentation de ne pas réfléchir.
C’est ainsi qu’une société de parfaits formatés apparaît. Ils consomment des pilules à tout va pour éviter toute émotion et toute réflexion. Ils sont formés dans des centres afin de développer leur « moi profond ». On n’est plus autorisé à créer de liens avec les autres sous peine d’être « détecté ». Isoler les gens, leur donner un bonheur et une satisfaction factices, donne le pouvoir de façonner le monde que l’on désire. La lecture, dans ce nouveau monde, est interdite, car elle aide à développer les capacités cognitives. C’est elle qui permet au héros de prendre conscience de lui-même et de découvrir que la vie est une longue suite de tentatives. En découvrant ce qu’il est, il se rend compte qu’il n’a plus peur de rien, justement parce que lorsque l’on vit, l’on n’a rien à craindre. La vie, en définitive, est un risque.
Non content de prendre conscience de lui-même, il apprend également que ce qui crée le bonheur chez l’humain, outre le fait d’avoir un but, est d’aimer et d’être aimé. Si l’homme perd cette valeur, il perd tout. Quelle raison de vivre peut-il lui rester dans le seul fait de contenter ses plaisirs?
Publié en 1980, ce roman me semble bien correspondre à notre époque et à ce que nous risquons de devenir. Il ne faut pas craindre de ressentir, que ce soit joie ou peine, car tout sentiment est participatif de notre existence, nous construit et nous enseigne. Il ne faut pas craindre d’aimer et en prendre le risque. Un merveilleux roman donc, offrant une réflexion intelligente sur la et les société(s), sur la capacité personnelle de chacun à réfléchir et à remettre ce qui l’entoure en question. Si nous commençons à perdre ces facultés et, surtout, à y renoncer de nous-même pour la facilité, alors sans doute pavons-nous le chemin de ce genre de futur.

Le jazz est au quai Branly

La dernière exposition en date du quai Branly, Le Siècle du jazz, est atrocement décevante. Déjà réticente face au titre, je me suis tout de même dit que j’allais laisser sa chance au sujet. Après tout, le jazz est un intitulé intéressant, et bien traité, il peut se révéler passionnant et même anthropologique. Seulement cette exposition n’a aucun lien quelconque avec l’anthropologie, comme on pourrait s’y attendre au vu de l’entité qui la présente… Non, c’est une exposition d’art contemporain (d’ailleurs, les musées partenaires de l’exposition sont des musées d’art contemporain, le Museo di Arte Moderna e Contemporanea di Trento e Rovereto ainsi que le Centre de Cultura Contemporania de Barcelona) saupoudrée d’histoire.
En me promenant dans les allées, j’ai l’impression d’être dans une exposition fourre-tout. Trop d’affiches et trop de photos, peu d’explications, comme si l’afflux d’images pouvait combler le vide de signification. Quelques tableaux, fort appréciables, mais qui à mon humble avis n’ont pas leur place dans un musée tel que le quai Branly. Où sont les racines du jazz, qui auraient justifié cette présentation? Où sont les sources? Où sont les références noires? Où sont les mythes qui ont fait naître cette musique?
Je me retrouve dans une exposition qui se veut intellectuelle, surfant sur une vague de pseudo questionnement moderne, sans aborder les questions primordiales qu’un musée d’anthropologie se devrait d’aborder sur un tel sujet. Moi qui voulais voir un peu de cette anthropologie, je suis déçue. Pire, même, je me sens flouée, car cette vision du jazz me semble bien américaine et bien blanche. Le jazz noir, le véritable, celui duquel nombre d’autres styles musicaux sont nés, où est-il? Je m’attendais à apercevoir un peu plus de témoignages « noirs ».
Me voici donc amèrement déçue. Le quai Branly est un excellent musée dédié aux arts que nous nommons aujourd’hui premiers. Les expositions dossiers, quant à elles, sont généralement agréables et bien réalisées, même si le Quai a des difficultés à tirer leçon de ses erreurs. Un musée qui vaut le coup d’être visité. Malheureusement, pour attirer les foules qui semblent lui faire défaut, il tente de viser large et réalise des expositions fourre-tout. J’en ressors avec une impression de badinage, pas spécialement bienvenue, qui ne m’aura pas appris grand-chose. Donné à voir, oui, mais c’est encore trop peu quant au pêle-mêle d’affiches qui paraissent n’être là que pour combler des vides. D’ailleurs, le titre de l’exposition n’est-il pas justement un leurre, destiné à attirer le plus de monde possible, sans se soucier du contenu et des aspirations de ces visiteurs? Un titre prétexte, en somme. Le Quai serait-il en perte d’idées?
Si j’avais voulu visiter une exposition sur la perception du jazz par les artistes contemporains ou sur les affiches des différents groupes, oui, cela m’aurait plu; si j’avais été une totale passionnée du jazz, oui, cette exposition m’aurait peut-être satisfaite (quoique je crois que j’en serais tout de même sortie avec une légère sensation de manque). Mais en allant au quai Branly, je voulais découvrir un sujet anthropologique, avec des rappels de civilisation, des objets qui nous donnent à voir une pensée différente et des témoignages de personnes qui pensent différemment, et, de ce fait, ont initié un nouveau genre musical. Hormis un résumé de ce genre à travers des objets et quelques tableaux pour relier la musique à l’art pictural, je n’y ai pas trouvé grand-chose. Je ne voulais pas non plus visiter une exposition d’affiches ni de photographies… Le signifiant, l’explicatif, l’archéologie même si on peut la dénommer ainsi, manquent grandement. Ici on nous donne juste à voir une ligne de temps. On n’explique pas.
Le seul mérite de l’exposition serait d’avoir tenté d’aborder un thème peu communément présenté dans ce genre de galerie.
Je me demande bien ce que va donner leur prochaine exposition intitulée « Tarzan »… je demeure quelque peu craintive…
En attendant, j’irai errer dans les galeries du musée ou me perdre sur la mezzanine, au milieu de véritables sujets d’anthropologie. Ce à quoi est dédié le musée. Et que je conseille fortement.