Hadopi et liberté d’expression

Les derniers retournements de l’affaire Hadopi relancent le débat sur la liberté d’expression. En effet, après avoir envoyé un email de son matériel et de sa messagerie personnels à sa député de circonscription, Jérôme Bourreau, employé de TF1, s’est retrouvé sur la sellette et proprement remercié. Au-delà des erreurs de l’infrastructure, puisque cet email s’est baladé et a finalement atterri au Ministère de la Culture, on peut se demander où nous allons si, pour avoir juste donné son avis sur un sujet d’actualité, un employé se fait licencier. Est-ce parce que l’on appartient à l’un des plus gros média de France que la libre expression doit être refusée? Est-ce parce que l’on appartient à l’un des plus puissants média que l’on doit automatiquement se ranger à l’avis de ses puissants dirigeants? Dans un pays libre comme le nôtre, il devrait être normal de pouvoir donner un avis négatif, surtout sur un sujet aussi sensible que la loi Hadopi.
La France s’est toujours montré le pays de la libre expression, bien que quelquefois ce titre puisse être remis en question. Quel est l’avenir d’un pays si l’on doit craindre d’être licencié pour avoir avoué qu’une loi nous semble mauvaise? Le débat sur la place publique a toujours été un gage de démocratie, après tout. Qu’adviendra-t-il si ce droit est peu à peu supprimé? Qu’adviendra-t-il si les opposants sont montrés du doigt et qu’on leur dénie leur droit de parole?
Bien entendu, après que la presse se soit emparée de l’affaire, le Ministère de la Culture a fait machine arrière et mis à pied l’employé délictueux qui aurait fait suivre l’email incriminé et incriminant ; employé que la Ministre a refusé de nommer. Mais si aucun bruit n’avait filtré, qu’en serait-il de Jérôme Bourreau? Serait-il en train de pointer au chômage juste pour s’être exprimé? Sans aucune défense possible? Cette affaire soulève beaucoup d’interrogations. Et quoi que l’on puisse lui reprocher, tant que la presse restera un moyen d’expression et de contestation, elle conservera sa légitimité. Il est d’ailleurs surprenant de ne pas en entendre parler à la télévision. Comme s’il y avait deux courants différents d’information. Par la presse écrite, et maintenant surtout par le net, le citoyen lambda peut s’exprimer et donner son avis sur différents sujets. Que ces avis soient ou non éclairés, intelligents, sensés, ils ont droit d’expression.
L’affaire Hadopi remet déjà en cause nombre de droits personnels, puisque l’utilisateur paye partout des taxes et qu’il devrait en plus payer à chaque téléchargement. Le téléchargement illégal fait vaciller les grands majors plus qu’il n’indispose les petits artistes talentueux. D’ailleurs, le net n’est-il pas un moyen de se faire connaître? Il est vrai que beaucoup de personnes n’aiment pas payer ce qu’elles peuvent obtenir gratuitement mais si l’artiste plaît vraiment, alors l’achat suivra. Il est possible de voir cela comme un essai avant un choix définitif. Ne peut-on pas essayer une voiture, un jean, avant de se décider à l’acheter?
Ce dernier retournement concernant une loi décriée a le bon goût de questionner ce que nous prenons pour des acquis fondamentaux, comme notre droit d’expression, et de réveiller les consciences en nous montrant qu’il ne faut jamais cesser de les défendre si nous voulons qu’ils perdurent.

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