Histoire d’écriture et de chat

Le chat qui venait du ciel, de Takashi Hiraide, s’apparente à un poème romancé. L’écriture est à la fois sérieuse et légère, de cette légèreté des poèmes, pleine de sens et de mélancolie. Elle nous fait sentir le temps qui passe et l’imprévu. Elle veut nous dire, quelque part, qu’il faut profiter des êtres et des choses, car ils nous sont trop tôt, et trop brusquement, retirés.
Le narrateur est un écrivain. Il vit avec sa femme dans une petite maison appartenant à une propriété divisée en plusieurs carrés d’habitation. Il y a la principale, celle de la vieille femme, propriétaire des lieux ; la leur, donnant sur une impasse et sur une partie du grand jardin, où l’orme domine ; celle des voisins, un peu plus loin, qui possèdent un petit chat. Le jardin est partagé entre ces différents résidents. Le narrateur s’y rend souvent car il s’occupe de l’arrosage et des plantations. Il aime particulièrement cet endroit, le vieil orme, le jeu de l’eau et la valse des libellules.
Un beau jour, le chat des voisins vient frapper à leur porte. C’est le début de l’histoire qui liera sa femme, et ensuite le narrateur, au chat. Le chaton s’entend parfaitement bien avec sa femme et cette dernière comprend tout ce qu’il veut sans qu’il ait besoin de bouger la patte. Pour le narrateur, les choses sont un peu plus compliquées. Il semble conserver un certain retrait, un certain détachement, quant au chaton. Il ne le comprend pas ni ne parvient à créer le même lien que celui qui unie sa femme au petit animal.
Petit à petit le chaton rentre dans leur vie et en devient une part importante. C’est comme s’il était toujours présent et quand il ne l’est pas, les humains l’attendent avec incertitude et impatience. Les sentiments, bien que jamais nommés, sont réels et imprègnent tout le roman. Avec pudeur et profondeur.
Un joli récit, un peu triste et mélancolique mais dont la beauté transcende la tristesse. Il serait dommage de le rater.

La floraison des cerisiers à Tokyo

A la fin du mois de mars, début du mois d’avril, c’est la saison des cerisiers au Japon. A la fin du mois de mars, les boutons s’ouvrent et les premiers pétales pointent. En quelques jours à peine, et notamment s’il pleut bien durant un après-midi ou deux, les cerisiers se couvrent de fleurs éclatantes, allant d’un blanc parcouru de rose pâle au rose le plus foncé. Les pétales s’envolent doucement, parsemant les rues et les parcs. Leurs masses rosées emplissent le ciel et les rues de la bourdonnante cité. Uniquement ornementaux, les arbres sont différents de ceux qui produisent des cerises. Après en avoir contemplés de près, on comprend mieux pourquoi les Tokyoïtes sont fous de ces arbres. Plutôt petits, ils ont un aspect quelque peu noueux mais non dénué de charme. Certaines espèces, appelées cerisiers pleureurs, voient leurs branches pencher vers le sol, à l’image des saules pleureurs. Ces cerisiers pleureurs se trouvent dans certains petits jardins de Tokyo, égrenant leurs branches chargées de fleurs au-dessus de l’eau. Le spectacle est enchanteur.
Le cerisier, ou sakura, est très important pour les Japonais, voire sacré. Symbole de beauté mais aussi d’évanescence, il rappelle tous les jours que la vie est éphémère et belle à la fois. L’arbre est très respecté et sa floraison est un instant de fête et de célébration.
A la fin de la journée, les Japonais envahissent leurs parcs, et plus particulièrement les allées de cerisiers. Dans le grand parc d’Ueno, au nord de Tokyo, où se trouvent des suites de temples et plusieurs musées d’art, des bâches bleues sont étalées sous les arbres. Les Japonais s’y installent pour manger un morceau et boire un verre, et ce même s’il fait froid. L’atmosphère est bonne enfant et détendue malgré l’affluence. En effet, dans les allées, impossible de faire un pas sans buter contre une autre personne. Il est tout aussi impossible de prendre l’allée en photo sans qu’y figure une foule compacte. Mais aucun signe de stress ni d’énervement. Les rires fusent tandis que les dernières bouchées de sucreries sont consommées. Et il y a toujours une main et un œil charitables pour tirer votre portrait sous les ramures rosées.
Lorsque l’on voit les cerisiers fleurir, l’on comprend pourquoi ils symbolisent la beauté. Il n’y a en effet rien de plus émouvant que cette fleur délicate et fragile, si éphémère qu’il ne faut que quelques jours pour que les pétales se détachent. Pourtant sa beauté, elle, demeure dans les cœurs. Les fleurs de cerisiers décorent d’ailleurs de nombreux objets, des kimonos aux assiettes de céramique. Dans les rues et les parcs, elles peuvent s’admirer jusqu’au mois de mai.