« Pourquoi partir? Pour mieux revenir »

Comme le dit un proverbe bien connu et diversement attribué, le voyage est constructif à plus d’un titre. Il permet d’abord de se recentrer soi-même, de redécouvrir ses limites et ses besoins, et de renouer avec une certaine simplicité que nous enlève le monde moderne. Partir à l’aventure, c’est abandonner sa sécurité pour affronter un environnement différent. Que ce soit un pays dont l’on ignore la langue, des gens que l’on ne comprend pas, de nouvelles règles auxquelles il faut s’adapter… un voyage est plein de découvertes, non seulement humaines lorsque la communication arrive à se faire, mais surtout personnelles.
Devoir gagner un lieu différent chaque jour rend le voyageur un peu léger, comme s’il était de partout et de nulle part à la fois. Un matin il appartiendra aux ruines qu’il visite, le lendemain il sera partie intégrante de ce petit restaurant familial, et le surlendemain il deviendra particule perdue dans la masse du train qui l’emmènera à son prochain point… En n’appartenant à aucun lieu, le globe-trotteur ne peut que développer sa propre personnalité. Plus il pérégrine et plus il comprend que les choses importantes sont celles qui ne laissent nulle trace, hormis le bonheur relatif au souvenir. Tout être a en tête un moment particulier, presque sacré, condensé d’instant, qui lui a laissé le goût du bonheur. Plus qu’un objet, c’est une pensée souvenir qui contient la plus grande émotion. A part ces instants éphémères, quelles sont les choses qui nous ont le plus touché? Quand on se souvient d’un moment, on se souvient d’une sensation, d’un sentiment, d’une impression, d’une fugacité même… mais éternels.
En voyageant l’être apprend la légèreté. La légèreté des besoins : nourriture du corps et de l’esprit. Une fois ce fondamental comblé, l’âme vagabonde refaçonne sa liberté. La liberté des chemins, lorsque l’explorateur ignore où il sera demain mais qu’il sait qu’il sera quelque part… peut-être, en effet, la route importe-t-elle parfois plus que la destination, mais ne nous leurrons pas : il doit savoir un minimum où porter ses pas.
D’aucuns assimileront cette traversée, de soi et des routes, à une fuite. Peut-être, quelque part, fuit-on la routine et le carcan de la modernité. Peut-être désire-t-on retrouver un souffle perdu, un affranchissement des frontières de l’esprit. On n’est jamais plus soi-même que lorsque l’on voyage. Face aux éléments, aux impondérables, aux imprévus également, le bourlingueur n’a que lui-même et découvre que rien n’est contrôlable. Il comprend qu’il dépend du bon vouloir de la mécanique, du temps, des espaces… et cette prise de conscience, quelque part, est salvatrice. Renoncer à son désir de contrôle pour retrouver le plaisir du moment, de ce qui surgit et émerveille. Le voyageur apprend à se rattacher à son macrocosme tout en s’en détachant. Il apprend que si le corps est entravé, l’esprit ne l’est jamais ; que si la matière retient, la patience est un mal nécessaire pouvant devenir un bien.
En revenant, ce nouveau nomade redécouvre la facilité relative de notre monde civilisé. Tout est accessible, tout est rapide, tout est presque sûr… les frontières sont bien dessinées et bien nettes; on doit se soucier à la fois de peu et de beaucoup, et surtout de beaucoup d’inutile. Le confort est un luxe agréable auquel on s’habitue trop vite.
Lorsque l’aventurier reprend goût à sa routine, il ne tarde pas à désirer repartir : pour être soi-même sans contraintes, n’être empêché par personne, penser et vivre ce qu’il veut, se détacher pour mieux retrouver l’essence de l’univers…
Voyageur serait le plus beau métier du monde.