The Unborn ou comment gâcher une bonne idée

Vendredi, j’ai eu envie de me détendre et je me suis dit, « pourquoi ne pas aller voir The Unborn? » J’en avais vu la bande-annonce et les extraits m’avaient tentée. Un film de pseudo horreur qui semblait pouvoir me procurer quelques sueurs froides m’enthousiasmait grandement, d’autant que cela faisait quelque temps que je n’avais pas eu de joyeux frissons.
Je me suis donc retrouvée dans la salle noire face à l’écran, m’installant confortablement et attendant avec impatience que la peur se jette sur moi.
Au départ, je pensais que The Unborn traitait de la volonté d’un jamais né de naître. Absolument pas. Il s’avère que le film traite d’une possession et d’un exorcisme. L’héroïne expérimente d’étranges hallucinations et, de fil en aiguille, retrouve sa grand-mère Sofi et découvre la vérité. Sofi s’avère avoir été emprisonnée dans un camp en 1944. A cette époque, elle avait un jumeau. Elle raconte à sa petite-fille qu’elle et son frère furent transférés dans un endroit où des expériences étaient pratiquées sur les jumeaux, dans l’espoir de percer leurs secrets. Le frère de Sofi meurt à la suite de ces expériences. Cependant, deux jours plus tard, le corps se relève et revient à la vie. Sofi sait qu’il ne s’agit plus de son frère et elle tue l’être maléfique.
Sofi appelle cet être le dybbuk. Elle explique sommairement qu’il s’agit d’un esprit mort qui, ayant été refusé aux portes du Paradis, erre et tente de s’approprier un corps.
Dans la tradition, le dybbuk cherche à s’emparer d’un corps vivant et non d’un corps mort. Est-ce l’expérience pratiquée sur le garçon qui a attiré cette âme errante? Est-ce l’expérience qui a introduit l’esprit dans un corps mort et lui a permis de le manipuler? Est-ce l’expérience qui fait que le dybbuk change sa manière de procéder et se contente d’un corps défunt? J’aurais pu, moi, me contenter du fait que le garçon étant aux portes de la mort, il se retrouve possédé car sa vie, bien que ne tenant plus qu’à un fil, est toujours active. Mais le corps reposant sur la plaque est bel et bien mort. Ceci n’est donc pas expliqué dans le film. En outre, le dybbuk s’empare généralement d’un corps pour accomplir une tache. Quelle est la tache que voulait accomplir l’âme en s’emparant du corps du défunt frère de Sofi? Ceci n’est pas abordé non plus. Quant à l’explication concernant le dybbuk, elle est juste survolée, puisque Sofi dit à sa petite fille qu’il s’agit d’un esprit mort refusé aux portes du Paradis. En fait, il s’agit plus exactement d’un esprit refusé aux portes de la Géhenne pour ses péchés passés (la Géhenne étant une sorte d’entre monde entre l’Enfer et le Paradis, où errent les âmes ayant pêché mais qui ne méritent cependant pas l’Enfer). Il y a donc une différence d’endroit, puisque la Géhenne n’est aucunement le Paradis.
Le dybbuk s’attache en outre à une personne. Soit, on comprend donc pourquoi il s’attache à la famille de Sofi. Puisqu’il n’a pu avoir le frère, il aura le reste de la famille.
Un autre fait me perturbe: à un moment du film, il est dit que le dybbuk étant déjà mort, il n’est pas possible de le tuer. Alors comment Sofi a-t-elle pu tuer son frère déjà mort? De même, le dybbuk s’empare d’un corps vivant après avoir déjà vécu… pourquoi le titre nous suggère-t-il un non-né? Pourquoi l’esprit prend-il l’apparence du frère défunt alors qu’il a eu une apparence avant celle-ci, étant né, ayant vécu puis étant mort? Puisque le dybbuk étant une âme ayant pêché, il ne peut s’agir de celle du frère de Sofi, qui est une victime et est sans doute trop jeune pour être véritablement rejeté du Paradis.
Je sais bien qu’il s’agit juste d’un film pour se faire peur. Mais il y a des films cherchant à faire peur qui déroulent mieux une mythologie que celui-ci. Un film d’horreur peut avoir des références et s’y tenir. Ici, le dybbuk est juste un prétexte mal employé pour faire une énième histoire d’exorcisme. Je trouvais que l’idée que suggérait le titre, celle d’un frère jumeau mort dans l’utérus et voulant ensuite naître parce qu’il n’a jamais pu le faire, était beaucoup plus originale et amusante. Bien conduite, elle aurait pu mener loin.
The Unborn m’a donc beaucoup déçue. Toutes les ficelles du genre sont employées, de l’apparition, soupçonnée, de la grand-mère, à sa suppression, évidente; de la découverte d’un livre permettant de renvoyer l’esprit d’où il vient, deus ex machina employé plus qu’à son tour; de la possession à la disparition de la meilleure amie et du petit ami, attendues; même les clins d’oeil à l’Exorciste sont plus que prévisibles . Il n’y a aucune surprise, c’est à peine si les spectateurs sursautent. Etant donné que je désirais me faire peur, je suis vraiment déçue.